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Martine Lalevée (Secafi) : « L’environnement, une compétence intégrée au dialogue social depuis peu »

Par Agnès Redon | Le | Bdese

Les informations à fournir au CSE sur les enjeux environnementaux de l’activité de l’entreprise, ont été fixées par décret le 26/04/2022. Elles doivent être  communiquées via la BDESE en l’absence d’accord d’entreprise sur le sujet. 
Consultante, analyse économique, financière et sociale chez Secafi (Groupe Alpha), Martine Lalevée livre son analyse sur cette évolution de la BDESE et sur ce que cela implique concrètement dans le travail des représentants du personnel.

Martine Lalevée, consultante, analyse économique, financière et sociale chez Secafi (Groupe Alpha) - © D.R.
Martine Lalevée, consultante, analyse économique, financière et sociale chez Secafi (Groupe Alpha) - © D.R.

Quelle analyse faites-vous de l’apport du décret sur la BDESE pour les représentants du personnel ?

Le décret n’est pas révolutionnaire mais apporte un repère pour mieux identifier les indicateurs de base

Le décret se faisait attendre et il a été publié en décorrélation temporelle importante avec la loi Climat et Résilience. Il n’est pas révolutionnaire mais apporte un repère pour mieux identifier les indicateurs de base utiles dans ce nouveau domaine. Il est intéressant que le législateur donne un référentiel aux représentants du personnel dans le cadre de l’information-consultation, car cela leur donne des points d’appui dans un domaine sur lequel ils peuvent être novices.

Cependant, la longueur de la liste des informations et leur nature ne garantit pas qu’elles seront exploitées.

Identifiez-vous des limites, des freins dans l’application de ce décret sur le terrain ? 

Même si les concepts de développement durable ou de RSE sont souvent évoqués, ils ne sont pas toujours bien maîtrisés

Déjà, toutes les entreprises ne disposent pas forcément des données précises pour remplir la BDESE. Les élus et les directions devraient s’approprier le sujet, l’affiner et définir les indicateurs les plus parlants pour illustrer les enjeux. Cela demande un certain travail en amont qui n’est pas toujours fait, en raison d’un manque de temps. Il y a déjà tant de sujets opérationnels à traiter ! 

Par ailleurs, l’environnement est une thématique intégrée au dialogue social depuis peu de temps. Or s’approprier un sujet prend toujours un certain temps de maturation. Même si les concepts de développement durable ou de RSE sont souvent évoqués, ils ne sont pas toujours bien maîtrisés.

Les représentants du personnel parviennent-ils à se saisir de ce sujet ?

Introduire de la RSE dans les entreprises aujourd’hui induit certains effets bénéfiques sur la santé des salariés

Jusqu’à présent, les syndicats étaient fortement concentrés sur les questions relatives à l’emploi, aux conditions de travail et de santé. Bien qu’ils commencent à se saisir de ces sujets environnementaux, des craintes s’expriment  sur le terrain à tort ou à raison sur leur compatibilité avec les questions de l’emploi et les autres préoccupations des salariés comme le pouvoir d’achat actuellement.

Si les élus ne s’emparent pas de ces sujets en raison de ces craintes, ils auront moins de prise en mains et de compréhension des impacts positifs et/ou négatifs de ces sujets.

Introduire de la RSE dans les entreprises aujourd’hui induit également certains effets bénéfiques sur la santé des salariés. C’est un cercle vertueux : lorsqu’une entreprise respecte les conditions de santé et de sécurité des salariés, cela peut  induire plus largement des effets positifs pour les consommateurs et les citoyens du bassin d’emploi. 

Sur le terrain quelle est l’attitude des représentants du personnel vis-à-vis de ces nouvelles prérogatives environnementales ?

Il y a, comme le dit l’expression, un tiraillement entre « fin du mois et fin du monde »

Jusqu’en 2019, en raison du taux élevé de chômage en France, les préoccupations restaient centrées sur l’emploi et moins sur l’environnement. On a pu le constater à travers le mouvement des Gilets jaunes, qui opposait la taxe carbone au niveau de vie. Il y a, comme le dit l’expression, un tiraillement entre « fin du mois et fin du monde ».

Les représentants du personnel ont besoin de davantage d’informations mais aussi de formation en la matière. A ce jour, les formations proposées sur le sujet environnemental sont encore insuffisantes. La proportion des représentants du personnel formée est très faible. Avec ce focus, même insuffisant dans la loi Climat et Résilience et son décret récent, nous espérons que cela deviendra un sujet fort de ces prochains mois.