Droits des salariés

Décret « sanctions » : dépôt d’un recours au Conseil d’État par onze associations et cinq syndicats


« Par le décret dit “sanctions” publié le 31/05/2025, le Gouvernement s’en prend à nouveau aux droits des personnes sans emploi et aux travailleurs et travailleuses pauvres. L’objectif est de contrôler plus et sanctionner plus vite et plus fort. Onze associations et cinq syndicats se sont unis pour déposer un recours contre ce décret devant le Conseil d’État », déclare Didier Duriez, président du Secours Catholique-Caritas France, à Paris le 22/10/2025.

Les intervenants se sont exprimés au sujet du régime de sanctions applicables aux demandeurs d’emploi, fixé par le décret n° 2025-478 du 30/05/2025, notamment en cas de :
• manquement à l’obligation d’élaborer ou d’actualiser un contrat d’engagement ;
• manquement aux obligations énoncées dans le contrat d’engagement relatives à l’assiduité, à la participation active aux actions prévues par le plan d’action et à l’obligation de réaliser des actes positifs et répétés en vue de trouver un emploi.

Décret « sanctions » : dépôt d’un recours au Conseil d’État par onze associations et cinq syndicats
Décret « sanctions » : dépôt d’un recours au Conseil d’État par onze associations et cinq syndicats

« Plutôt que de sanctionner, nous devons promouvoir la solidarité » (Didier Duriez, Secours Catholique-Caritas France)

Pour Didier Duriez : « Par le décret dit “sanctions” publié le 31/05/2025, le Gouvernement s’en prend à nouveau aux droits des personnes sans emploi et aux travailleurs et travailleuses pauvres. L’objectif est de contrôler plus et sanctionner plus vite et plus fort. C’est un décret qui punit au lieu de soutenir. La pauvreté augmente de manière mesurable, et le taux de non-accès aux droits est alarmant. Plutôt que de sanctionner, nous devons promouvoir la solidarité. La dématérialisation des démarches complique l’accès aux droits pour de nombreuses personnes, ajoutant à leur découragement.

  • Le Gouvernement choisit de punir dans une période de fracture économique, alors qu’il devrait rassembler et faciliter l’accès aux droits. Les responsables politiques pourraient faire le choix d’aider à l’accès à la solidarité, mais au contraire, ils mettent en place des procédures pour punir ceux qui n’auraient pas fait ce qu’ils auraient dû faire. Le plein-emploi et le décret sanction marquent un tournant inquiétant, éloignant la société des principes de solidarité établis après la guerre.
  • Nous voyons des personnes privées d’emploi, mais en plein travail, que ce soit en cherchant un emploi ou en enchaînant les formations. Ignorer ce travail invisible, comme le fait le décret, contraint les gens à des situations encore plus compliquées. Nous ne voulons pas d’une société où le plein-emploi génère des travailleurs pauvres. Nous appelons à nous mobiliser pour des droits protecteurs et un accompagnement humain centré sur le soutien plutôt que la culpabilisation. »

Selon Isabelle Doresse : « Le RSA est un droit fondamental, garantissant des moyens convenables d’existence. Les sanctions arbitraires menacent la dignité des personnes et renforcent le non-recours. Le Gouvernement doit respecter l’égalité de tous et retrouver le sens de la solidarité nationale.

  • L’ajout de conditions comme les 15 heures d’activité hebdomadaire et les preuves à apporter pour justifier sa recherche d’emploi exclut de plus en plus de personnes du système social. C’est une atteinte à notre démocratie, car cela refuse l’accès à une véritable citoyenneté pour certains, décidant pour eux ce qui est bon et les radiant du système de protection. »

« Nous sommes deux millions de mères isolées en France, et près de 45 % d’entre nous vivent sous le seuil de pauvreté. Les politiques publiques nous ignorent, et les 15 heures d’activité hebdomadaire en échange du RSA sont inacceptables. Nous ne profitons pas du système, nous en subissons les lacunes », déclare Agnès Aoudaï.

  • Nous sommes stigmatisées et accusées de profiter du système, alors que nous prenons de plein fouet les attaques contre les travailleurs. Les politiques d’Emmanuel Macron nous attaquent, et le décret sanction nous touche directement. Nous devons nous mobiliser pour briser cet enchaînement de réformes injustes.« 

«Un développement de la précarité au profit d’un patronat qui profite d’une armée de travailleurs pauvres » (Denis Gravouil, CGT)

Selon Lydie Nicol : « Ce décret transforme le RSA en un outil de contrôle plutôt que d’accompagnement. Les conséquences sont inacceptables pour les travailleurs et les chômeurs. Initialement, la loi plein-emploi promettait un accompagnement de qualité pour tous, mais nous en sommes très loin. L’inscription obligatoire à France Travail, l’obligation des 15 heures d’activité, et l’augmentation des contrôles sont autant de mesures qui s’éloignent de l’accompagnement promis.

  • Le chômage est une situation subie, non un choix. Réduire les droits vitaux ne facilitera pas le retour à l’emploi. Au contraire, cela met une pression injuste sur les professionnels de l’accompagnement, qui se retrouvent à devoir contrôler et sanctionner plutôt qu’à soutenir. Les différences de traitement entre départements illustrent bien l’arbitraire de ces sanctions.
  • Les salariés des CAF et des conseils départementaux ressentent une pression énorme pour appliquer ces sanctions. Ils ne voient plus le sens de leur travail, qui est d’accompagner, pas de contrôler. Cette situation crée un non-sens pour les professionnels et ne répond pas aux besoins vitaux des personnes qu’ils accompagnent. »

Pour Denis Gravouil : « Le système de sanctions culpabilise les travailleurs précaires et augmente le non-recours aux droits. Les sanctions ne luttent pas contre la pauvreté mais la renforcent. La fraude est minime, mais les assurés sociaux sont injustement ciblés. Nous devons nous concentrer sur l’effectivité des droits, pas sur la répression.

  • Le plein-emploi précaire n’est pas du plein-emploi, c’est un développement de la précarité au profit d’un patronat qui profite d’une armée de travailleurs pauvres. Le non-recours au droit est considérable, et les algorithmes de contrôle ajoutent à la stigmatisation sans résoudre les vrais problèmes. »

« La loi plein-emploi surcharge les services sans moyens adéquats, transformant l’accompagnement en contrôle de masse. Le décret sanctions aggrave les situations de détresse, augmentant les expressions d’intention suicidaire parmi les usagers », déclare Vincent Lalouette.

  • « Les collègues du service public de l’emploi sont confrontés à un conflit de valeurs. Passer de l’accompagnement au contrôle a des effets néfastes non seulement sur les usagers mais aussi sur les professionnels, qui ne se retrouvent pas dans cette politique. Les expressions d’intention suicidaire augmentent, reflétant le désespoir croissant. »

« Ce décret est une rétribution au mérite, contraire à l’idée même de droits de l’homme » (Nathalie Tehio, Ligue des Droits de l’Homme)

Pour Marie Andrée Besson : « Le décret impose des obligations irréalistes aux agriculteurs, qui sont déjà confrontés à des revenus insuffisants et à une précarité croissante. Le taux de pauvreté des agriculteurs est supérieur à la moyenne nationale, et le non-recours au RSA est alarmant. Les agriculteurs travaillent déjà dur pour survivre, et ce dispositif les fragilise davantage.

  • L’inscription systématique à France Travail et le recours à des coachings inadaptés ajoutent des étapes stigmatisantes dans les démarches administratives. L’obligation des 15 heures d’activité par semaine pour les allocataires du RSA agriculteurs est irréaliste. Cela décourage les familles en grande difficulté à demander de l’aide, alors même qu’elles en ont besoin. »

Selon Élie Lambert : « Le décret sanction prive les précaires de revenus suffisants pour survivre, les poussant à accepter n’importe quoi. Le Conseil d’État doit censurer ce décret qui va à l’encontre des droits fondamentaux.

  • Le projet de loi visant à réprimer la fraude sociale cible injustement les allocataires du RSA et les classes populaires. Les pouvoirs accrus de France Travail ne servent qu’à dissuader les plus vulnérables de demander l’aide à laquelle ils ont droit, menaçant leur survie même. »

« Ce décret fragilise les plus précaires et va à l’encontre de l’objectif d’un accompagnement fluide et sans couture. Nous devons réfléchir à la société que nous voulons bâtir, qui respecte et soutient les plus vulnérables », déclare Vanessa Jereb.

  • « Au lieu de faciliter l’accompagnement, le décret impose des sanctions qui ne feront que rendre les plus fragiles encore plus vulnérables. Avec des budgets réduits et moins d’agents, France Travail ne peut pas offrir un accompagnement digne de ce nom. »

Pour Nathalie Tehio : « Ce décret s’inscrit dans une idéologie qui remet en cause les droits fondamentaux dus par l’État. Les droits sont imprescriptibles et attachés à la personne humaine, et l’État a l’obligation de les respecter et de les mettre en œuvre. Ce n’est pas une question de mérite, mais de droits fondamentaux. Le décret s’attaque toujours aux plus pauvres, aux plus précaires, et aux plus fragiles. Cette logique punitive s’étend et menace de toucher de plus en plus de personnes. Il est crucial de réfléchir à la société que nous voulons, une société qui respecte les droits de l’homme et les principes de solidarité.

  • Nous devons respecter les principes de solidarité et de dignité, ancrés dans notre Constitution. Ce décret est une rétribution au mérite, contraire à l’idée même de droits de l’homme. Il est essentiel de veiller à ce que les droits soient appliqués sans condition de mérite, pour construire une société juste et solidaire. La déclaration des droits de l’homme affirme que les droits sont naturels et imprescriptibles, et l’État doit les garantir. Ce décret, en introduisant des conditions, s’éloigne de ces principes en créant une société où les droits sont conditionnés.
  • L’idéologie derrière ce décret est dangereuse car elle ne raisonne qu’en termes de coûts financiers, sans considérer les coûts sociaux. Nous devons revenir à une société qui respecte les droits promus en 1789 et 1946, une société qui met en avant la solidarité et la dignité pour tous. »

Argumentaires juridiques invoqués dans le cadre des recours

Les argumentaires juridiques invoqués dans le cadre des recours sont les suivants :

• Atteinte au droit et à des moyens convenables d’existence ;

• Disproportion manifeste des sanctions ;

• Violation des droits de la défense ;

• Confusion entre chômage et RSA ;

• Atteinte au principe d’égalité et à la sécurité juridique ;

• Méconnaissance du droit à une vie privée familiale normale et discrimination ;

• Risque de non-recours et d’exclusion accrue ;

• Renforcer les sanctions contribue à éloigner les personnes de l’emploi stable ;

• Travail forcé et atteinte à la dignité ;

• Absence de moyens pour l’accompagnement des usagers : « le bâton sans la carotte » ;

• Une volonté à France Travail de massifier les contrôles ;

• Une discrimination plus forte vis-à-vis des personnes éloignées du numérique.