Droits des salariés

CSE : comment prévenir le harcèlement moral ? (Guide Secafi)

Par Agnès Redon | Le | Qvct et santé

Dans le cadre de ses attributions légales, le CSE a toute légitimité pour développer son rôle en matière de prévention du harcèlement moral. Secafi a édité une mise à jour du Guide : Présomption de harcèlement moral (collection Agir pour l’amélioration des conditions de travail), à l’attention des représentants du personnel.

CSE : comment prévenir le harcèlement moral ? (Guide Secafi) - © D.R.
CSE : comment prévenir le harcèlement moral ? (Guide Secafi) - © D.R.

Les attributions légales du CSE

Le rôle de prévention du CSE apparaît à l’article L.2312-12 du Code du travail : « Le comité social et économique formule, à son initiative, et examine, à la demande de l’employeur, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d’emploi et de formation professionnelle des salariés, leurs conditions de vie dans l’entreprise ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires ».

Dans le cadre de ses attributions légales, le CSE a donc toute légitimité pour développer son rôle en matière de prévention du harcèlement moral. Par ailleurs, en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail, le CSE « peut susciter toute initiative qu’il estime utile de proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes. Nul ne doit subir d’agissements sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant (articles L. 2312-9 et L.1142-2-1 du Code du Travail). 

Définir et repérer le harcèlement moral

Le harcèlement moral se caractérise notamment par 3 dimensions suivantes :

  • La répétition d’agissements, de manœuvres ou de propos hostiles qui peuvent revêtir plusieurs formes ;
  • La dimension persécutive de ces agissements qui sont centrés sur le (les) même(s) personne(s). Ces agissements peuvent être extrêmement divers et mêmes liés à ce qui relève de la discrimination concernant l’apparence physique, l’orientation sexuelle, la religion, le handicap…
  • La destruction de la personne à travers l’atteinte de sa dignité, de sa santé et de son devenir professionnel.

Pour repérer le harcèlement moral, il faut également s’extraire de certains préjugés. Par exemple, le harcèlement n’est pas forcément un problème hiérarchique. En effet, il peut être  »vertical« , s’il s’exerce dans le cadre d’une relation hiérarchique, ou  »horizontal« , s’il s’exerce entre collègues n’ayant pas de relations hiérarchiques entre eux.

Si vous repérez des indicateurs de harcèlement moral, le guide préconise de :

  • S’assurer que la Commission Santé Sécurité et Condition de Travail (CSSCT) est avisée de la situation ;
  • Convenir, au niveau de la CSSCT et à l’échelle du CSE, de la manière dont le signalement sera transmis à la direction. Cette communication n’est pas anodine car elle engage un processus d’enquête ;
  • Communiquer auprès de la direction ;
  • Se faire accompagner pour analyser la situation.

 »Être à la fois réactif et en capacité de prendre du recul« 

Lorsqu’un employeur et un CSE sont avisés d’une présomption de harcèlement moral, il est nécessaire d’adopter un principe paradoxal mais primordial : être à la fois réactif et en capacité de prendre du recul.

  • Réactif car le pire advient parfois alors que l’on a trop attendu.
  • Et prendre du recul pour ne pas se laisser submerger par l’émotion, des points de vue irrationnels et/ou subjectifs. 

Le guide recommande, avant toute chose, de hisser la problématique à un niveau collectif et d’analyser la situation de travail ou les phénomènes organisationnels et/ou managériaux qui ont amené à une telle dérive afin de repérer les leviers qui permettront de faire évoluer la situation favorablement et de fixer les dispositions pour améliorer la prévention.

Ce n’est pas au CSE de qualifier une situation de harcèlement moral. En revanche, il doit signaler toute situation de travail dégradée et demander des actions en conséquence.

L’ANI du 26 mars 2010 : une source d’inspiration pour agir

L’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 mars 2010 est une transposition de l’accord cadre autonome signé par les partenaires sociaux européens le 15 décembre 2006 sur le harcèlement et la violence au travail.

Signé à l’unanimité par l’ensemble des organisations syndicales et patronales, il dépasse le cadre du strict harcèlement au travail et porte sur les différentes formes de violences au travail.

L’ANI incite clairement les entreprises à investir le champ de la prévention par :

  • Une meilleure sensibilisation ;
  • Des repères favorisant la compréhension et la prise de conscience ;
  • Faire preuve de réactivité.

Savoir recueillir un signalement : une étape cruciale

Le recueil d’un signalement exige une certaine technicité. Il va enfin laisser entrevoir une issue pour une présumée victime et constituer le point de départ d’une résolution de problème efficace.

Mais, s’il est mal maîtrisé, il peut s’avérer contreproductif. N’hésitez donc pas à demander conseil auprès d’un cabinet accrédité ou de vous initier aux repères nécessaires dans le cadre des formations en santé, sécurité et conditions de travail.

Utiliser le droit à l’expertise lors d’une situation présumée de harcèlement moral

Le CSE peut faire appel à un expert habilité lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement (article L. 2315-94 du Code du Travail).

L’expertise a l’avantage :

  • D’appréhender la problématique sur deux registres interdépendants :
  • Le niveau global pour appréhender le dispositif de prévention, l’organisation du travail et la culture d’entreprise ;
  • Le niveau spécifique à la situation qui a déclenché l’expertise afin d’examiner objectivement les circonstances, mener une investigation au plus près de l’environnement professionnel des sujets directement concernés ;
  • D’identifier des leviers d’actions.

Droit d’alerte et enquête paritaire

Réglementairement, concernant une situation présumée de harcèlement moral, le CSE peut user de son droit d’alerte dans le cadre de la procédure de  »danger grave et imminent" (DGI). Ainsi, le représentant du personnel au CSE, qui constate une cause de danger grave et imminent, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, peut alerter immédiatement l’employeur.

L’article L.2312-59 du Code du Travail reste néanmoins tout à fait valable en vue de déclencher une enquête paritaire dans le cadre d’une démarche plus globale et collective. Sans que soit activée nécessairement une procédure de danger grave et imminent. C’est aussi un article qui fait explicitement référence à la problématique du harcèlement. Ainsi, le déclenchement d’une enquête paritaire peut être un bon moyen de traiter concrètement la situation.

Pour aller plus loin, consulter le guide ICI.