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L’entreprise, un lieu de démocratie sociale ? 1er Baromètre du Dialogue social par le Groupe Alpha

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Comprendre les ressorts du dialogue social dans l’entreprise, c’est l’ambition du Baromètre du dialogue social réalisé par le Groupe Alpha et publié le 7 mars 2022. Il s’agit d'éclairer un aspect qui reste mal traité : les débats entre directions d’entreprise et représentants des salariés.

1er Baromètre Dialogue social, Groupe Alpha - © D.R.
1er Baromètre Dialogue social, Groupe Alpha - © D.R.

« Depuis près de 40 ans, le Groupe Alpha œuvre auprès des directions d’entreprise et des représentants des salariés, et les accompagne pour relever leurs enjeux de transformation. En 2022, dans cette logique de mise en mouvement des acteurs de l’entreprise, le Groupe Alpha lance son 1er baromètre relatif à l'état du dialogue social. Cette initiative sera reconduite chaque année, permettant d’enrichir la démarche et de l’approfondir sur des problématiques au cœur des dynamiques d’entreprise et de dialogue social », indique le Groupe Alpha.

Un baromètre « innovant »

L’objectif du 1er baromètre du Groupe Alpha relatif au dialogue social est « d’assurer un suivi dans le temps pour cerner les évolutions, tant dans les thèmes abordés que dans la qualité du dialogue entre représentants du personnel (RP) et directions d’entreprise ».

« Ce baromètre innove de trois manières » :

  • Il s’adresse aux deux parties : représentants du personnel et directions d’entreprise.
  • Il mesure leurs écarts de perception sur les thèmes abordés dans les réunions du CSE.
  • Il donne à voir dans quelle mesure les débats en CSE permettent de faire changer d’avis l’une et l’autre parties.

Ce baromètre se situe au niveau de l’entreprise qu’il interroge : « Est-elle un lieu de démocratie sociale ? »

Les thèmes les plus abordés entre directions d’entreprise et représentants du personnel au sein du CSE

  • Les thèmes les plus abordés au cours de ces échanges sont l’organisation du travail et la stratégie de l’entreprise :
    • 92 % des employeurs disent aborder l’organisation du travail en réunion de CSE,
    • contre 85 % des représentants du personnel.
  • Le baromètre met en lumière « de vraies divergences sur le partage des richesses » :
    • 62 % des IRP estiment que celui-ci est rarement ou jamais discuté,
    • quand seules 38 % des directions d’entreprise considèrent que c’est le cas.
  • La lutte contre les discriminations est un thème prioritaire
    • pour 67 % des RP
    • et 55 % des employeurs.
  • « Le dialogue social n’est pas au rendez-vous de la décarbonation » :
    • « Plus de 80 % des répondants estiment que la stratégie de décarbonation n’est rarement, voire jamais, évoquée dans les échanges. »
  • Concernant les compétences, directions et élus convergent :
    • « le Plan de Développement des Compétences doit faire l’objet d’une négociation renforcée ».

« Il y a finalement peu d'écart entre la perception des directions et celle des RP sur la fréquence de discussion concernant la stratégie de l’entreprise dans les réunions de CSE. Cela pourrait être lié à la consultation annuelle obligatoire sur la stratégie d’entreprise instaurée par loi de sécurisation de l’emploi de 2013 », analyse le Groupe Alpha.

Les sujets relatifs aux conditions de travail et à la vie quotidienne au travail ont été « des sujets porteurs dans le contexte de la crise sanitaire ». « La création du CSE et la disparition du CHSCT n’ont pas réduit la place de ces sujets dans le débat. »

« La QVT et les modalités de l’organisation de l’entreprise peuvent être des lieux concrets de convergence et de production d'évolutions par le dialogue. Pour y parvenir, il est nécessaire que les acteurs définissent ensemble les enjeux et objectifs dans leur entreprise pour mieux identifier les leviers d’action. »

Des perceptions « significativement différentes » sur le partage des richesses

Représentants du personnel et directions d’entreprise apprécient très différemment la place prise par le partage des richesses.

  • 62 % des RP estiment que le partage des richesses est rarement ou jamais discuté,
  • quand 38 % des directions d’entreprise considèrent que c’est le cas.

« La question du partage des richesses relève des délégués syndicaux puisque ce sont eux qui négocient sur les salaires et les primes mais aussi sur l’intéressement et la participation », indique le Groupe Alpha.

« Le sujet est également abordé dans les réunions de CSE mais celui-ci n’a pas d’attribution particulière en la matière. Il peut en résulter une perception différente sur la place à accorder à ce sujet en CSE. »

Par ailleurs, « l'écart peut s’expliquer par le contexte spécifique à la crise sanitaire : un grand nombre de réunions de négociation ont été reportées et de nombreuses entreprises ont gelé les salaires. Il peut en résulter une différence d’appréciation entre élus et directions sur le fait que le sujet ait été abordé ou non en CSE. Le fait qu’il y ait eu moins de discussions sur les augmentations de salaires et les primes est illustré par la diminution du nombre d’accords. En 2020, il y a eu 2.600 accords de moins ».

La décarbonation, un thème « ignoré des débats »

Plus de 80 % des répondants estiment que la stratégie de décarbonation n’est rarement, voire jamais, évoquée.

Le Groupe Alpha estime « surprenant » que la décarbonation des entreprises soit si peu évoquée « au regard de l’adaptation nécessaire des entreprises aux enjeux de transition environnementale et à la pérennité des conditions d’exercice de leur activité : évolutions des produits/services, modalités de réalisation/fabrication, sources d'énergie, transports et mobilité des salariés… Si les entreprises semblent se saisir de ce sujet comme objet de communication externe, on peut s’interroger sur la faible présence du sujet dans le débat interne à l’entreprise. »

« Il est nécessaire que les engagements environnementaux exprimés par les entreprises ainsi que les enjeux de transformation liés à la décarbonation se traduisent pleinement en leur sein en y associant les RP et les salariés. »

De plus si 58 % des directions considèrent que les enjeux de transition écologiques sont couverts par la formation en entreprise, 79 % des RP pensent le contraire. Face au besoin « fortement exprimé par les élus », le Groupe Alpha estime que la formation est nécessaire pour accompagner les transformations.

Un faible niveau d’influence réciproque

L’indice d’influence est de 44 pour les entreprises et de 28 pour les salariés. Cela met en évidence « deux enseignements » :

  • « Les indices d’influence de la direction et des RP sont inférieurs à 50, ce qui révèle que les débats en CSE ne permettent généralement pas à l’une des parties de faire changer d’avis l’autre partie. »
  • « L’indice d’influence des directions est supérieur à celui des RP, ce qui signifie que les premières pensent influencer davantage les seconds que l’inverse. »

« Le plus gros écart concerne :

  • la stratégie (près de 50 points d’indice thématique) »,
  • suivie des relations de l’entreprise avec le territoire,
  • le partage des richesses (près de 40 points d’écart),
  • la stratégie de décarbonation.

« Sur ces thèmes, le rapprochement des points de vue semble particulièrement difficile. Ceci justifierait une double prise en charge : par le CSE et par des administrateurs salariés plus nombreux, et plus influents. »

Le Groupe Alpha s’inquiète de ce faible niveau d’influence réciproque, le jugeant « préoccupant » : « Dans un contexte de persistance des tensions sous-jacentes à la crise des gilets jaunes, les instances décisionnaires dans l’entreprise sont en première ligne car les institutions de représentation qui jouent le rôle de médiation sont affaiblies. Les entreprises sont ainsi plus susceptibles de se trouver confrontées à la fois à des formes de démotivation, voire de démobilisation, de la main-d’œuvre et à des revendications spontanées et plus radicales. Une meilleure prise en compte des propositions des RP pourrait permettre de détendre la situation sociale dans certaines entreprises. »

Négociation du Plan de Développement des Compétences : souhaitée par 86 % des élus et 53 % des directions

La négociation du PDC apparaît comme « une vraie attente » des élus (86 %) et une « légère majorité des directions (53 %) » est prête à cette négociation.

L’incitation n’apparaît pas comme une condition à la négociation. L’octroi d’un bonus ne semble pas être une condition nécessaire :

  • 58 % des directions y sont favorables,
  • contre 38 % des élus qui la soutiennent.

Abondement du CPF

D’autre part, la quasi-totalité des directions (89 %) sont favorables à un abondement du CPF seulement si la formation correspond à des besoins précis de l’entreprise contre des 50 % des élus.

Transitions professionnelles

S’agissant des transitions professionnelles, la sollicitation d’un cofinancement des salariés apparaît comme une nécessité pour 74 % des directions, contre 25 % des élus.

Distinction nette entre les pouvoirs des OS et ceux du CSE sur la négociation d’entreprise, sauf en l’absence d’OS

Les membres du CSE et les directions sont sur la même ligne lorsqu’il s’agit de ne pas reconnaître le même pouvoir de négociation au CSE qu’aux OS de l’entreprise :

  • 64 % des élus y sont opposés,
  • contre 52 % des directions.

En revanche, en l’absence d’organisations syndicales, les deux parties sont favorables à doter le CSE de cette responsabilité (77 % des élus et 79 % des directions). « Du point de vue de la direction, les élus du CSE semblent donc être en capacité de porter les négociations. »

Démarche méthodologique

• Le 1er Baromètre Alpha est une enquête nationale produite par le Groupe Alpha et ses entités : Secafi, Sémaphores, GVA, TH Conseil et le Centre Etudes & Prospective.

• Le Baromètre Alpha mesure auprès des dirigeants d’entreprise et des représentants du personnel l’état du dialogue social en France. Cette première édition s’est déroulée en ligne entre le 06 septembre 2021 et le  30 septembre 2021.

• L'échantillon n’a pas été construit selon la méthode des quotas. Il est constitué de 1721 personnes ayant répondu au questionnaire en ligne : 1570 représentants du personnel et 155 représentants de DG et de DRH.

• Les questions de gouvernance et de développement des compétences feront l’objet d’un focus spécifique au cours des tables-rondes dédiées à ces sujets lors du colloque « Débats d’aujourd’hui, Transformations de demain » organisé par le Groupe Alpha le 17 mars 2022.