Fonctionnement

CSE : quel bilan et quel renouvellement ? Focus avec Voltaire Avocats

Par Agnès Redon | Le | Prérogatives

Après la promulgation des ordonnances Macron en 2017, une part importante des premières élections de renouvellement des représentants du personnel de CSE démarre. David Guillouet et Louise Peugny, avocats associés du cabinet Voltaire Avocats spécialisé en droit social, font le point sur le bilan et les enjeux de cette élection.

Louise Peugny et David Guillouet, avocats associés Voltaire Avocats  - © D.R.
Louise Peugny et David Guillouet, avocats associés Voltaire Avocats - © D.R.

Les constats 

Centralisation plus forte du dialogue social et recul de la représentation de proximité

Si le législateur a prévu la possibilité de mettre en place des représentants de proximité pour éviter une centralisation excessive de la représentation du personnel, certaines limites sont à noter.

En effet, le dispositif étant facultatif, de nombreuses entreprises ne sont pas dotées de représentants de proximité.

Il apparaît une certaine réticence de la part des partenaires sociaux quant à leur mise en place. Cette situation s’explique notamment :

  • par la crainte de voir ressurgir les anciens délégués du personnel,
  • par l’absence de dispositions supplétives impératives.

Cet échec pourrait notamment rappeler la mise en place du « délégué de site », ancienne institution qui devait être mise en place dans une zone qui rassemblait plusieurs entreprises dont l’effectif était trop faible pour mettre en place les anciennes IRP.

Selon le rapport d’évaluation des ordonnances « travail » du 15 décembre 2021, seuls 25 % des accords mettant en place le CSE prévoyaient la mise en place de représentants de proximité. Lorsque des représentants de proximité ont été mis en place, leur rôle était mal défini et des difficultés d’articulation avec le CSE ont été constatées.

Cette centralisation conduit à ce que tous les sujets soient traités au niveau central, y compris des sujets qui auraient pu être traités localement ce qui induit, dans de nombreuses entreprises, des réunions aux ordres du jour surchargés et des élus qui se sentent parfois éloignés des salariés.

Une CSSCT dont l’articulation avec le CSE est parfois difficile

En pratique, le constat est que le rôle de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) est souvent mal compris. Il y a une certaine désorganisation du CSE pour le traitement des problématiques santé, sécurité au travail, dans la mesure où le rapport CSSCT/CSE n’est pas toujours évident à déterminer.

C’est parfois plus simple dans une entreprise de moins de 300 salariés où elle n’est pas obligatoire, dans la mesure où c’est une seule instance qui gère ces questions. Le fait que la CSSCT ne dispose d’aucune attribution consultative a pu être source de crispations. En effet, c’est la CSSCT qui « fait le travail » alors qu’au final, c’est le CSE qui est consulté.

L’enjeu de la négociation, lors du renouvellement du CSE, portera sur le fonctionnement de la CSSCT et les élus demanderont que la CSSCT soit mieux équipée en termes de moyens ou de compétences.

Peu d’innovation lors de la mise en place du CSE

Le législateur a institué la possibilité de conclure des accords collectifs sur de nombreux sujets concernant le CSE, sur ses moyens, ses attributions et son fonctionnement.

En 2018-2019, les entreprises ont cependant été contraintes de négocier dans un délai relativement restreint, avec l’échéance du 31 décembre 2019 fixée par l’ordonnance et sans aucun retour d’expérience. Cela a engendré :

  • Une frilosité des partenaires sociaux pour tout réformer en profondeur ;
  • Des accords négociés « à l’économie », dans lesquels les partenaires sociaux se sont surtout focalisés sur les moyens attribués au CSE (heures de délégation supplémentaires, nombre d’élus), parfois au détriment de questions plus essentielles, comme le périmètre de mise en place du CSE.

Crise des vocations

Les suppléants n’ont plus vocation à assister aux réunions du CSE, alors qu’avant, exercer un mandat de suppléant était une phase d’apprentissage avant d’être titulaire.

Par ailleurs, le CSE ayant cumulé les attributions antérieurement dévolues au CE, aux DP et aux CHSCT, la charge de travail s’est accrue et les élus sont parfois insuffisamment formés aux questions économiques et aux sujets santé, sécurité et conditions de travail.

Par conséquent :

  • certains DRH anticipent une difficulté plus grande des organisations syndicales pour trouver des candidats à présenter.
  • les organisations syndicales ont également du mal à trouver des candidatures féminines ou masculines et respecter la parité. Néanmoins, en pratique, il existe peu de contentieux sur le sujet car les entreprises ne saisissent pas les tribunaux. Les organisations syndicales attendent généralement le résultat des élections. 

Les enjeux du renouvellement

Ce constat étant effectué, il s’agit de poser les enjeux du renouvellement sur les questions suivantes :

  • faut-il introduire davantage de proximité, notamment pour filtrer davantage les réclamations individuelles des salariés ?
  • le périmètre du CSE est-il adapté aux spécificités de l’entreprise et permet-il de répondre aux réclamations des salariés ?
  • compte tenu de la tendance des entreprises à ne pas renégocier les accords conclus lors de la mise en place des CSE ou à les reconduire de manière quasi-identique, faut-il renégocier les accords de mise en place de CSE ?

Par ailleurs, une autre problématique sera probablement mise en exergue par les organisations syndicales lors du renouvellement du CSE, en particulier avec le développement du télétravail : la possibilité d’utiliser les outils numériques de l’entreprise pour communiquer avec les salariés, ce qui n’est pas autorisé à ce jour en l’absence d’accord de l’employeur.

Les enjeux de dialogue social vont être nombreux et importants, par exemple sur le pouvoir d’achat ou la répartition de la valeur ajoutée. 

Par ailleurs, le CSE a de nouvelles attributions, notamment en matière de santé au travail ou d’environnement.

Autant de sujets qui soulèvent la question des moyens et de la formation des élus.