Think RH 2024 : « Il est indispensable de garantir l’employabilité des seniors » (Benoît Serre, ANDRH)
Par Agnès Redon | Le | Protection sociale
« La formation doit être le moyen d’accompagner le développement des compétences », a déclaré Jean-Pierre Willems, consultant en droit social et ressources humaines.
Il intervenait, avec Benoît Serre, vice-président délégué de l’ANDRH, dans une table ronde sur le thème « Emploi des seniors et enjeux des compétences », dans le cadre de l’édition 2024 « Performance et sens du travail » de Think RH, organisée par News Tank le 18 juin 2024 à Sorbonne Université.
« Le problème de compétences des seniors est une excuse pour ne pas les embaucher »
Pour Benoît Serre, vice-président délégué de l’ANDRH, il est indispensable de garantir l’employabilité des seniors.
« L’urgence qu’il y a à traiter ce sujet vient de la démographie. De plus, la mondialisation des compétences est en train de s’installer.
- Les entreprises sont confrontées à un véritable enjeu de ressources. Leur responsabilité est de redéployer les gens. Cela pose des enjeux d’anticipation et de moyens. J’ai vu trop d’entreprises qui, dans un contexte économique tendu, coupaient d’abord les budgets de formation.
- Une étude du Medef montrait d’ailleurs que le premier facteur de discrimination à l’embauche est l’âge. »
Le CDI senior permet ainsi de lutter contre deux phénomènes, selon lui :
- Les entreprises qui hésitent à embaucher des seniors ;
- La peur des seniors en recherche d’emploi de ne pas atteindre le taux plein.
« Si on ne résout pas rapidement le problème de l’embauche, il y aura un vrai problème de compétences. »
« La multiplication des formations obligatoires est une catastrophe »
Benoît Serre observe « un autre problème très grave concerne la multiplication des formations obligatoires qui, dans les PME et les ETI, consomment les budgets de formation à quasiment 80 % ».
« Je ne crois pas qu’il y ait un problème de compétences des seniors, c’est une excuse pour ne pas les embaucher. Il faut casser la mauvaise dynamique de l’embauche des seniors, sinon on s’achemine vers un drame, sachant que le taux d’accès à la formation décroit avec l’âge. »
La multiplication des formations obligatoires est une catastrophe à deux niveaux, selon lui :
- La mobilisation des ressources pour parfois rien ;
- La motivation des gens à suivre une formation.
« La formation doit être le moyen d’accompagner le développement des compétences. La question n’est pas simplement d’aller en formation, mais qu’elle aide à affronter des situations imprévues. »
« Le modèle de la compétence suppose une remise en question »
Pour Jean-Pierre Willems, il est nécessaire de questionner la pertinence de la notion de seniors et le fait de rentrer dans une politique d’emploi, de formation et de compétences spécifiques. Il distingue trois sujets :
- le recrutement, où il y a un effet d’âge ;
- la gestion des fins de carrière ;
- la question de la compétence.
« Les seniors disposent d’une expérience. Mais celle-ci peut devenir problématique par rapport à l’employabilité dans les trois cas suivants :
- une expérience acquise pauvre, qui réduit la capacité à s’adapter à des changements rapides ;
- une expérience porteuse d’une culture que l’organisation souhaite faire évoluer ;
- un modèle traditionnel de l’ancienneté qui fait passer dans un rôle d’expert. Cela structure encore beaucoup nos systèmes de rémunération et de gestion de carrière. Certaines branches professionnelles ont supprimé la prime d’ancienneté pour la remplacer par une prime de qualification. Dans ce cas, ce n’est pas l’expérience qui a une valeur, c’est la manière dont on l’utilise. Le modèle de la compétence suppose donc une remise en question. »