Fonctionnement

Droit des salariés : les élus de CSE face aux 4 outils de la restructuration (focus Syndex)

Par Agnès Redon | Le | Prérogatives

Depuis les ordonnances du 22 septembre 2017, l’employeur dispose d’une large palette d’outils pour restructurer et supprimer des emplois. Lors d’un webinaire en décembre 2023, Pierre Picard et Paul Motte, consultants pour le cabinet d’expertise Syndex, ont donné leurs recommandations aux élus de CSE faisant face aux outils de la restructuration.

CSE : que peuvent faire les élus face aux outils de la restructuration de l’entreprise ? - © D.R.
CSE : que peuvent faire les élus face aux outils de la restructuration de l’entreprise ? - © D.R.

Outil 1 : Un accord GEPPMM (gestion des emplois, des parcours professionnels et de la mixité des métiers)

L’accord GEPPMM n’a en théorie pas pour but premier de supprimer des emplois. Il vise plutôt à ce que :

  • Les partenaires sociaux s’entendent sur une vision partagée de l’évolution des emplois et des besoins en compétences de l’entreprise, afin qu’ils puissent s’accorder sur une stratégie et des outils partagés pour faire évoluer les compétences et l’emploi ;
  • Introduire des dispositifs de mobilité externe sur la base du volontariat : congé de mobilité, et de manière moins fréquente, mobilité volontaire sécurisée qui induisent de fait des suppressions d’emploi.

« Certains employeurs n’hésitent pas à dévoyer l’esprit de la démarche et à proposer des accords essentiellement tournés vers un objectif de suppression d’emplois à court terme, » souligne Paul Motte.

Les enjeux pour les organisations syndicales

Les enjeux pour les organisations syndicales sont les suivants :

  • Un diagnostic économique et social de l’entreprise pour éclairer les organisations syndicales sur les enjeux GEPPMM de l’entreprise, et sur les marges de manœuvre dans la négociation ;
  • L'analyse du projet d’accord porté par la direction. Il s’agit de savoir :

-si son principal objet est d’organiser des départs de l’entreprise à court terme ;

-si l’accord GEPP est l’outil adapté ;

-si l’organisation du travail future est précisée ;

-quels sont les risques pour l’entreprise et les salariés « restants » ;

-Le nombre maximum de départs et leur temporalité.

  • Négocier des dispositifs d’accompagnement pour les salariés qui seraient concernés par des départs volontaires.

Outil 2 : Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) et PSE-PDVA

Lorsqu’une entreprise décide de supprimer 10 emplois ou plus pour motif économique, dans une même période de 30 jours, elle doit mettre en place un PSE. Cette obligation s’applique, que les départs soient contraints (licenciements) ou « volontaires » (rupture d’un commun accord pour motif économique).

Si l’employeur, dans le projet présenté, s’engage à ne pas procéder à des licenciements contraints (mais à recourir uniquement à des suppressions de postes via du « volontariat »), on parle de « PDV Autonome » (PDVA).

Il existe deux voies pour examiner la procédure :

  • Information-consultation du CSE sur le projet de restructuration et de compression des effectifs.
  • Information-consultation du CSE sur le projet de licenciements collectifs et PSE (notamment sur les « mesures sociales d’accompagnement ») et sur ses conséquences sur les conditions de travail et la santé.

« Le CSE peut désigner un expert pour l’assister dans le cadre de ces informations-consultations (sur les aspects économiques, sociaux et SSCT). De la même manière, le CSE peut désigner un expert pour assister les organisations syndicales dans la négociation de l’accord portant sur le PSE », précise Pierre Picard.

Il est obligatoire pour l’employeur d’évaluer précisément les risques professionnels induits par le projet de PSE, et de présenter cette évaluation complète et détaillée au CSE dans le cadre de son information-consultation (article L1233-30 du Code du travail).

Cette évaluation est liée à l’obligation de moyen et de résultat en ce qui concerne la santé des salariés (article L4121-1 du Code du travail).

Outil 3 : Les accords de performance collective (APC)

L’employeur qui souhaite adapter son entreprise aux évolutions du marché peut négocier et conclure un accord de performance collective (APC).

Cet accord collectif permet d’aménager la durée du travail, les rémunérations et les conditions de mobilité professionnelle ou géographique au sein de l’entreprise.

« Pour l’employeur, les accords de performance collective sont un motif très extensif et attrape-tout. Les négociateurs devront être attentifs, notamment, à la rédaction du préambule, avec l’appui recommandé d’un conseil juridique ou d’un avocat », estime Paul Motte.

Dans la négociation des accords, les enjeux pour les organisations syndicales sont les suivants :

  • Intégrer des garde-fous et des contreparties ;
  • Limiter les effets des dispositions dans le temps ;
  • Prévoir des dispositions d’accompagnement des salariés licenciés ;
  • Prévoir un dispositif de suivi de la mise en œuvre de l’accord ;
  • Prévoir un engagement de maintien de l’emploi et l’impossibilité de licencier pendant la durée de l’accord ;
  • Prévoir une clause de revoyure / clause de retour à meilleure fortune ;
  • Prévoir une limitation des dividendes, un effort « proportionné » des cadres dirigeants.

Outil 4 : Les accords de rupture conventionnelle collective (RCC)

« Un accord collectif peut déterminer le contenu d’une rupture conventionnelle collective excluant tout licenciement. Il s’agit d’un cadre particulièrement souple pour les employeurs qui :

  • Dispense de consulter le CSE, d’un motif économique, d’un PSE et d’expertise légale ;
  • Ne garantit pas des mesures sociales d’accompagnement minimales. En effet, il n’y a pas d’obligation préalable de reclassement interne ou de congé de reclassement ;
  • A l’avantage d’un régime fiscal et social favorable pour les indemnités de rupture aligné sur celui des indemnités de rupture versées dans le cadre d’un PSE », indique Pierre Picard.

Les enjeux de la négociation pour les organisations syndicales sont les suivants :

  • Étudier l’équation économique du projet : montrer que le projet ne répond pas à une nécessité économique et que la question des conditions de travail ne fait pas partie de l’équation posée par la direction ;
  • Identifier des scénarios alternatifs encas d’absence de conclusion de l’accord RCC ;
  • Évaluer si ces scénarios sont « meilleurs » ou « pires » pour les salariés (salariés qui resteraient dans l’entreprise et salariés qui quitteraient l’entreprise)
  • Identifier les freins au reclassement ;
  • Appuyer dans la négociation de mesures d’accompagnement « solides » et proportionnées aux marges de manœuvre financières de l’entreprise ;
  • Analyser l’organisation cible sous-jacente au projet de RCC. Est-elle clairement définie ? Porte-t-elle des risques pour les conditions de travail des salariés restant dans l’entreprise ?

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Concepts clés et définitions : #GPEC (ex GEPP) ou Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences , #Syndicat, #CSE ou Comité Social et Économique