Droits des salariés

Charge de travail : « La prévention doit être formalisée et traçable » (Lydia Turc, MAR & LAW)


« La charge de travail réelle peut diverger fortement de la charge donnée, révélant des dysfonctionnements tels que la surcharge, la désorganisation et le manque de moyens. Ce que le salarié ressent par rapport à ce qu’on lui demande et à ce qu’il réalise. Il s’agit d’une dimension subjective mais essentielle pour évaluer les RPS, notamment le stress, le sentiment d’injustice ou de non-reconnaissance. La perception du salarié est un signal d’alerte. Ignorer ses ressentis peut engager la responsabilité de l’employeur », déclare Lydia Turc, fondatrice du cabinet MAR & LAW, lors d’un webinaire le 17/06/2025.

Charge de travail : « La prévention doit être formalisée et traçable » (Lydia Turc, MAR & LAW)
Charge de travail : « La prévention doit être formalisée et traçable » (Lydia Turc, MAR & LAW)

La responsabilité de l’employeur

« La charge de travail n’est pas qu’une question d’organisation et ce n’est surtout pas une question subjective. Cette charge de travail va engager la responsabilité de l’employeur, non seulement sur le plan juridique mais aussi sur le plan humain et social. Le cadre réglementaire repose sur une responsabilité juridique de l’employeur qui doit veiller à une bonne répartition de la charge de travail, mais avant tout, il doit veiller au respect de la législation en matière de durée légale, de temps de pause, de temps de repos et de suivi des heures supplémentaires. »

  • Ainsi, selon l’article L4121-1 du Code du travail, l’employeur doit veiller à la sécurité et à la santé, ce qui inclut la conception des postes de travail et la fixation d’objectifs atteignables. La charge de travail donnée doit être réaliste, claire, formalisée (fiche de poste, objectifs) et compatible avec les capacités du salarié et les ressources disponibles.
  • La charge de travail réelle peut diverger fortement de la charge donnée, révélant des dysfonctionnements tels que la surcharge, la désorganisation et le manque de moyens. Ce que le salarié ressent par rapport à ce qu’on lui demande et à ce qu’il réalise.
  • Il s’agit d’une dimension subjective mais essentielle pour évaluer les RPS, notamment le stress, le sentiment d’injustice ou de non-reconnaissance. La perception du salarié est un signal d’alerte. Ignorer ses ressentis peut engager la responsabilité de l’employeur.

Dans le cas particulier des salariés sous convention de forfait jour, l’employeur doit s’assurer que la charge de travail reste raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps.

Cela implique :

  • Des entretiens réguliers (au moins annuels) avec le salarié,
  • Un suivi effectif de la charge de travail réelle,
  • Des mesures correctrices en cas de surcharge.

L’employeur a une obligation de suivre et de prouver le respect de la réglementation sur le temps de travail et de repos (article L3121-64 du Code du travail).

La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne, et des durées maximales de travail fixées par le droit interne, incombe à l’employeur (Cass. soc., 17/01/2024, no 22-20 193) par :

  • Des outils de suivi du temps de travail (automatisé ou manuel) ;
  • Des déclarations régulières du salarié (autodéclaration, entretiens obligatoires) ;
  • Le suivi régulier et traçable par la hiérarchie (compte rendu de réunion RH, alertes internes, connexions informatiques) ;
  • La traçabilité des temps de pause (badge, planning, RIE, charte).

Charge de travail et RPS

Une obligation implicite de prévention de la surcharge de travail

L’obligation faite à l’employeur de protéger la santé des salariés suppose que ce dernier prenne toutes les mesures de prévention énoncées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail et qu’il prenne toutes les mesures propres à faire cesser les situations à risque identifier les risques de la surcharge du travail dans le DUERP, parmi lesquelles :

  • évaluer constamment les risques liés aux conditions de réalisation du travail ;
  • privilégier le dialogue, la formation ;
  • détecter les signes symptomatiques de la souffrance ;
  • consulter le CSE dans le cadre des mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs de l’organisation.

La surcharge de travail peut être qualifiée de harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité. La surcharge de travail, lorsqu’elle est excessive, répétée et non régulée, peut être qualifiée de harcèlement moral (article L1152-1 du Code du travail) et de manquement à l’obligation de sécurité (article L4121-1 du Code du travail).

Pour satisfaire à son obligation de sécurité, l’employeur doit justifier avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail du salarié restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition dans le temps du travail et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié. (Cass. soc., 02/03/2022, n° 20-16683).

Le contentieux des heures supplémentaires

  • Concernant la charge de la preuve du nombre d’heures réellement travaillées, selon l’article L. 3171-4 alinéa 1 du Code du travail, « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ». Le juge « forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ». La Cour de cassation n’impose plus au salarié d’étayer sa demande (Cass. soc., 07/02/2024, no 22-15 255).
  • L’employeur doit mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur. À défaut, il peut produire en justice des éléments autres que ceux issus de ce dispositif le fait, pour l’employeur de n’avoir pas respecté ses obligations en matière de contrôle du temps de travail, ne l’empêchait pas de démontrer l’existence (ou l’absence) d’heures de travail par d’autres moyens, tels que des relevés d’heures manuscrits.
  • L’absence de mise en place d’un système de mesure du temps de travail ne prive pas l’employeur de produire d’autres éléments de preuve. « L’absence de mise en place par l’employeur d’un tel système ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies ». (Cass. soc, 07/02/24, n° 22-15842).