Droits des salariés

Alice Rustique (Groupe Alpha) : « Il est recommandé aux élus de négocier des augmentations pérennes »

Par Agnès Redon | Le | Réclamations

Pour mener des négociations salariales, les élus peuvent s’appuyer sur les résultats d’une étude du Groupe Alpha montrant les hausses de salaires négociées en 2023 dans les entreprises du secteur privé. Alice Rustique, chargée d’étude au Centre études & data du Groupe Alpha, fait le point sur la diversité des pratiques d’augmentations salariales, ainsi que sur l’argumentaire des élus pour favoriser le partage de la valeur en entreprise.

Alice Rustique, chargée d’étude au Centre études & data du Groupe Alpha - © D.R.
Alice Rustique, chargée d’étude au Centre études & data du Groupe Alpha - © D.R.

Que nous enseigne l’étude sur les hausses de salaires négociées en 2023 dans les entreprises du secteur privé publiée par le Centre études & data du Groupe Alpha ?

Les budgets d’augmentation sont davantage diversifiés.

A travers l’analyse de 200 accords de NAO pour l’année 2023 (13 secteurs, entreprises de 20 à plus de 10 000 salariés), on observe que les augmentations sont à des niveaux assez élevés, surtout par rapport à 2022.

Ainsi, les négociations totales dans les entreprises du secteur privé se situent en moyenne à 4,6 % en 2023, avec la répartition suivante :

  • Ouvriers/employés : 4,8 % (médiane à 4,8 %) ;
  • TAM  : 4,6 % (médiane à 4,6 %) ;
  • Cadres : 4,4 % (médiane à 4,5 %).

Il y a un regain des pratiques d’augmentations générales alors que, ces dernières années, la tendance était davantage celle de l’individualisation des rémunérations, notamment pour les cadres. En effet, 2/3 des entreprises prévoient des augmentations générales pour les cadres, contre la moitié en 2022.

Pour les non-cadres, le regain des augmentations générales s’accompagne d’une hausse de la distribution d’augmentations individuelles.

Les budgets d’augmentation sont donc davantage diversifiés, avec un retour des augmentations générales pour les cadres et un regain des augmentations individuelles pour les non-cadres.

Quels sont les effets de l’inflation sur les négociations salariales ?

les salariés ont perdu du pouvoir d’achat en 2022 et vont en perdre en 2023.

Sur les années 2022 et 2023, les budgets augmentent avec l’inflation, mais ils ne la dépassent pas. Cela montre que même si les négociations salariales sont liées à l’inflation constatée sur la période, les salariés ont perdu du pouvoir d’achat en 2022 et vont en perdre en 2023. 

Par ailleurs, 37,5 % des entreprises distribuent des primes partage de la valeur (PPV) dans leur accord NAO, pour un montant moyen de 1 280 €, un montant assez élevé.

Il est à noter que cette part est certainement sous-estimée, car cette étude n’a étudié que les NAO. Or la PPV peut être négociée dans d’autres accords spécifiques ou introduite de façon unilatérale.

Les transports, la construction, la métallurgie et l’énergie-chimie distribuent des augmentations plus élevées que les autres secteurs.

Enfin, notons que 17 % (contre 13 % en 2022) des entreprises prévoient des talons, c’est-à-dire des minimum d’augmentation, qui tournent autour de 103 € bruts/mois (contre 51 € en 2022). Il s’agit d’une pratique permettant de protéger les bas salaires de l’inflation.

Ces négociations salariales sont-elles le signe d’un bon dialogue social ?

Ces augmentations se situent en-dessous du niveau de l’inflation, qui est de 6 % en 2022.

Les représentants du personnel ont réussi à aboutir à des compromis intéressants avec les directions. Ils se sont certainement basés sur la hausse de l’inflation et les pertes de pouvoir d’achat subies en 2022 pour obtenir des augmentations. En revanche, il est notable que ces augmentations se situent en-dessous du niveau de l’inflation, qui est de 6 % en 2022.

Lors de ces négociations salariales, que préconisez-vous aux représentants du personnel ?

Certaines entreprises ont intérêt à mieux redistribuer les richesses.

Nous leur recommandons de mettre en avant toute une palette d’arguments variés, parmi lesquels :

  • Le contexte macro-économique. En effet, l’inflation est élevée et va durer dans le temps, notamment avec la crise énergétique et la répercussion du coût des entrants (matières premières, énergie) sur les prix des produits finis et les services, ce qui élargit la base inflationniste et la rend durable ;
  • Les difficultés de recrutement et de rétention plaident pour une hausse des salaires. Il s’agit en effet d’améliorer la rémunération des salariés mais aussi l’attractivité des postes ;
  • Des secteurs ont réalisé des marges très importantes en 2022 et dans certaines entreprises, elles ont intérêt à mieux redistribuer les richesses, notamment à travers des augmentations pérennes ;
  • Il faut demander des augmentations pérennes. En effet, la PPV reste ponctuelle, défiscalisée et les cotisations sociales sont faibles ;
  • Les représentants du personnel peuvent s’appuyer sur notre benchmark, qui montre notamment des augmentations moyennes à 4,6 %.

Cliquez ICI pour télécharger l’étude sur les hausses de salaires négociées en 2023

Concepts clés et définitions : #NAO ou négociation annuelle obligatoire