Opco : « Les efforts demandés sont colossaux et ne semblent pas proportionnés » (Marylise Léon, CFDT)
« Nous sommes prêts à examiner comment optimiser le fonctionnement des Opco et réduire certaines dépenses. Cependant, les efforts demandés sont colossaux et ne semblent pas proportionnés. Il est important de ne pas adopter une vision technocratique et dogmatique visant à réaliser des économies partout, y compris dans les Opco », déclare Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT.
Elle s’exprime au sujet du PLF 2026 qui demande aux Opco d’économiser 100 M€ sur leurs budgets de fonctionnement pour 2026, France compétences ayant accumulé 8,5 Md€ de déficit nécessitant autant d’aides exceptionnelles de l’État entre 2021 et 2023. L’objectif est de faire des économies de 1,5 Md€ dès 2025 sur l’apprentissage et la formation, pour redresser la trajectoire des finances publiques.
Le PLF 2026 demande aux Opco d’économiser 100 M€ sur leurs budgets de fonctionnement pour 2026. Cela pourrait entraîner 1 500 suppressions d’emplois dans les Opco. Que pensez-vous du fait que l’État veuille réduire leurs moyens de fonctionnement ?
Nous sommes prêts à examiner comment optimiser le fonctionnement des Opco et réduire certaines dépenses.
Les spécificités, notamment en matière d’apprentissage et de gestion des contrats, doivent être préservées
Cependant, les efforts demandés sont colossaux et ne semblent pas proportionnés. Il est important de ne pas adopter une vision technocratique et dogmatique visant à réaliser des économies partout, y compris dans les Opco.
Les spécificités, notamment en matière d’apprentissage et de gestion des contrats, doivent être préservées. Centraliser pour optimiser les coûts risque de nuire à la qualité et aux spécificités de l’apprentissage. Nous nous opposerons à toute suppression des Opco. Un gouvernement ne peut prôner le dialogue social et le paritarisme tout en agissant à l’inverse.
L’État a prélevé 12 Md€ sur l’assurance-chômage (sur les cotisations des entreprises et des salariés, donc). Qu’en pensez-vous ? Cela vous donne-t-il l’impression que l’État “fait les poches” des partenaires sociaux pour boucler un budget dans lequel les dépenses de fonctionnement restent structurellement très supérieures aux recettes ?
Absolument. Bien que l’on reproche souvent aux partenaires sociaux leur incapacité à avancer sur certains sujets, il est évident que nous gérons bien, ce qui permet à l’État de puiser dans nos fonds. Cela s’applique également à Action Logement.
Cela révèle également la difficulté des responsables politiques à laisser le paritarisme opérer avec l’autonomie nécessaire pour définir des règles et gérer efficacement.
La CFDT est-elle attachée à disposer d’outils paritaires pour gérer les sujets de formation et d’apprentissage ?
Oui, absolument. Ce n’est pas simplement défendre un intérêt particulier, mais affirmer notre légitimité. Nous sommes probablement les mieux placés pour répondre aux besoins des branches professionnelles.
La diminution des aides à l’apprentissage a pour conséquence que de nombreux jeunes ne trouvent pas d’entreprises pour les accueillir. L’objectif d’un million d’apprentis était-il bon et fallait-il le financer ainsi, « quoi qu’il en coûte » ?
Se fixer des objectifs est positif, mais il faut s’en donner les moyens. Nous avons toujours souligné les difficultés liées à l’ouverture du marché des centres de formation et l’absence de régulation.
Nous privilégions des objectifs qualitatifs
Cela a entraîné des effets d’aubaine, et nous constatons aujourd’hui qu’un apprenti sur deux ne termine pas son contrat.
Nous privilégions des objectifs qualitatifs. Un million d’apprentis, d’accord, mais un million qui termine sa formation et s’insère durablement dans un emploi, c’est cela l’objectif à atteindre. Il est essentiel de pouvoir évaluer qualitativement les résultats.
La Direction générale du Trésor affirme que l’apprentissage coûte aux finances publiques 14 700 € par apprenti, alors que, taxes pré-affectées déduites, le coût par apprenti est de 7 620 €. Selon vous, est-ce une manière de discréditer l’apprentissage ?
La Direction générale du Trésor, par sa nature, se concentre sur les finances publiques. Tout ce qui représente un coût est examiné attentivement. Pointer le coût de cette manière, en omettant certains éléments, peut constituer un argument fallacieux. Si leur objectif est de réduire les aides à l’apprentissage, il n’est pas nécessaire d’utiliser de tels arguments.
Que pensez-vous de la Conférence Travail Retraites ? Quelle en est l’utilité puisqu’il ne s’agit pas d’une négociation et que cela ne débouchera pas sur un ANI ?
L’intérêt de cette Conférence réside dans l’opportunité de mettre enfin en lumière des enjeux que nous défendons depuis longtemps. La question du travail réel, des emplois en lien avec les transitions écologiques et numériques, des enjeux de réindustrialisation, des parcours professionnels, des salaires, etc. Une fois ces aspects clarifiés, nous pourrons aborder la question des retraites. Avec la suspension, il est crucial d’avoir un débat public utile, loin des caricatures habituelles concernant la capitalisation ou le paramétrique.
Un autre intérêt de cette Conférence est d’aborder conjointement les questions du secteur public et privé, ce qui est inédit
Nous souhaitons intégrer ces éléments dans le paysage. Si des sujets émergent nécessitant une négociation, nous les aborderons en les articulant avec notre agenda autonome, comme nous en avons l’habitude. C’est le cas de l’emploi des seniors, sur lequel nous avons déjà discuté avec les organisations patronales mais aussi de l’emploi des jeunes que nous voulons absolument traiter.
Un autre intérêt de cette Conférence est d’aborder conjointement les questions du secteur public et privé, ce qui est inédit. Les agents des fonctions publiques en ont besoin, et c’est la première fois que nous réussissons à établir ce parallélisme des formes.
Vous êtes ouverte à un débat sur la capitalisation des retraites. Comment percevez-vous cela, plus concrètement ?
Pour la CFDT, il n’y a pas de tabou. Nous sommes ouverts à un débat sur la capitalisation. Cependant, je m’interroge sur la position des organisations patronales qui souhaitent éviter des cotisations supplémentaires. Or, la capitalisation implique une contribution de l’employeur. Pour la CFDT, il s’agit avant tout de promouvoir notre projet de retraite à la carte.
Pour la CFDT, il s’agit avant tout de promouvoir notre projet de retraite à la carte
Ce qui compte pour nous, c’est de redéfinir le sens du régime, de le refonder pour offrir un véritable choix libre de départ à la retraite à l’âge et selon les modalités qui conviennent aux individus. Je pense notamment à la retraite progressive et au montant des pensions.
L’Assemblée nationale a définitivement adopté le PLFSS pour 2026 le 16/12/2025. Pour la CFDT, la version votée comprend des avancées par rapport à la version initiale du texte. S’éloigne-t-on du « musée des horreurs » que vous dénonciez en juillet 2025 ?
Le terme « musée des horreurs », que j’assume pleinement, désignait l’ensemble du projet présenté en juillet 2025, notamment en ce qui concerne l’assurance-chômage et la réforme du droit du travail, où figurait une flexibilité maximale demandée par les employeurs.
Il reste des niches fiscales que nous aurions souhaité voir évoluer
Ce budget de la Sécurité sociale n’est pas celui de la CFDT. Nous continuerons à nous battre pour la prise en charge de la protection sociale complémentaire dans la fonction publique hospitalière, par exemple. Il reste des niches fiscales que nous aurions souhaité voir évoluer, notamment pour traiter à la source le problème de la financiarisation de la santé, qui détourne la vocation des fonds publics.
Le ministre du Travail et des Solidarités Jean-Pierre Farandou voudrait que la négociation d’assurance-chômage, portant notamment sur l’encadrement des ruptures conventionnelles individuelles, puisse générer une économie d’au moins 400 M€ par an en année pleine sur la durée restante de la convention, avec des effets dès 2026. Selon vous, le document de cadrage d’août 2025 est-il vraiment retiré ?
La condition était d’ouvrir la négociation. Nous l’avons respectée, avec une réunion le 03/12/2025. Les conditions sont donc remplies, et il nous incombe désormais de répondre à la question du montant des économies. Je considère que la lettre de cadrage est retirée.
Cependant, rien n’empêche le Gouvernement de rédiger un nouveau document. Le ministre a confirmé le retrait de cette lettre de cadrage mais une déclaration publique du Premier ministre pourrait clarifier la situation.