Droit des salariés : les moyens de contestation du « barème Macron » (focus Voltaire Avocats)
Par Agnès Redon | Le | Réclamations
Lors d’un webinaire le 29 mai 2024, Anne Vincent-Ibarrondo et François Hubert, avocats associés du cabinet Voltaire Avocats, ont fait le point sur les moyens juridiques visant à contester ou contourner le « barème Macron ».
1/ Les controverses sur le « barème Macron »
Les ordonnances du 22 septembre 2017 ont introduit à l’article L.1235-3 du Code du travail un barème des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse dénommé « barème Macron » :
« Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise. (…) Si l’une des parties refuse cette réintégration, le juge octroie une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous. »
Ainsi lors de son introduction, le barème plafonnant l’indemnisation du salarié a suscité plusieurs controverses, notamment au regard de sa conventionnalité. En effet, des juges français de première instance ont écarté à différentes reprises ledit barème sur le fondement de textes européens.
Alors que la décision de la Cour de cassation semblait mettre fin au débat validant le « barème Macron », le Comité européen des droits sociaux (CEDS), dans une décision du 23 mars 2022 publiée le 26 septembre 2022 (n° 171/2018), a considéré que ce barème d’indemnisation n’était pas suffisamment élevé pour réparer le préjudice subi par les salariés concernés et pas assez dissuasif pour les employeurs.
Cette décision du CEDS, qui s’inscrit dans la lignée de celles déjà rendues à propos des barèmes d’indemnisation prévus parles législations finlandaise et italienne, n’a pas vocation à remettre en cause l’application du « barème Macron » dans les litiges prud’homaux français.
En effet, cette décision n’a pas de portée contraignante pour les juridictions nationales.
2/ Évolution des indemnités en cas de licenciement remis en cause
D’après une étude portant sur près de 260 000 arrêts de cours d’appel (Rapport France Stratégie février 2024 : Evaluation de l’impact du barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse), l’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est en moyenne plus faible depuis la mise en place du « barème Macron » :
- Avant barème, l’indemnisation était en moyenne de 7,9 mois de salaire brut ;
- Après barème, l’indemnisation moyenne des licenciements est désormais de 6,6 mois de salaire brut.
- Toutefois, lorsque toutes les indemnités secondaires sont prises en compte, on ne constate plus de baisse du montant total d’indemnisation.
L’analyse suggère que les juges ont compensé la diminution de l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse imposée par le barème en accordant plus facilement d’autres indemnités aux salariés. Il en résulte un montant moyen d’indemnisation inchangé et un phénomène de « dispersion » des indemnités allouées.
Les salariés les plus impactés par le barème sont ceux, sans surprise, qui ont entre 0 et 2 ans d’ancienneté ainsi que ceux dotés de 2 à 5 ans d’ancienneté. Ces salariés invoquent davantage la nullité de leurs licenciements.
3/ Les moyens de contestation sur la rupture du contrat de travail
S’agissant des moyens visant à contester le « barème Macron » et concernant la rupture du contrat de travail, il s’agit de :
- Soulever la nullité du licenciement, en arguant, par exemple, d’un harcèlement moral, d’une discrimination ou d’une violation de la liberté d’expression, et ce, pour éviter l’application du « barème Macron » ;
- Et/ou multiplier les chefs de demandes pécuniaires : sans nécessairement soulever la nullité du licenciement, demander le maximum du « barème Macron » et formuler des demandes de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et/ou pour violation de l’obligation de formation et/ou conditions brutales ou vexatoires entourant la procédure de licenciement, etc.
4/ Les moyens de contestation sur l’exécution du contrat de travail
Concernant les moyens visant à contester le « barème Macron » et relatifs à l’exécution du contrat de travail, il s’agit de :
- Contester le forfait jours et/ou solliciter le paiement d’heures supplémentaires ;
- Et/ou multiplier les chefs de demandes pécuniaires : sans nécessairement soulever la nullité du licenciement, demander le maximum du « barème Macron » et formuler des demandes de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et/ou pour violation de l’obligation de formation, etc.