Droits des salariés

Égalité professionnelle : analyse des écarts de rémunération femmes hommes (focus AKP Conseils)

Par Agnès Redon | Le | Réclamations

Lors d’une conférence en mars 2024, Alexandre Pichori, expert-comptable d’AKP Conseils, un cabinet d’expertise comptable, de conseil et d’accompagnement à destination des CSE, a dressé un état des lieux sur l’Index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment dans l’analyse des écarts de rémunération par le CSE.

Égalité professionnelle : comment analyser les écarts de rémunération ? (focus AKP Conseils) - © D.R.
Égalité professionnelle : comment analyser les écarts de rémunération ? (focus AKP Conseils) - © D.R.

Le calcul de l’écart de rémunération par le CSE

Pour calculer les écarts de rémunération, il ne faut pas seulement prendre en compte le salaire de base. Il faut ajouter les primes liées à la personne du salarié, telles que la prime ancienneté, la prime expérience ou la prime objectif.

Sont alors exclues toutes les primes liées à une sujétion particulière, telles que les primes salissure, prime d’ouverture de magasin, etc.

Dans le calcul de cet indicateur, la rémunération des salariés à temps partiel doit être requalifiée en rémunération TP.

Le décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019 prévoit une « classification personnalisée » pour le calcul de cet indicateur. Après consultation du CSE, l’employeur peut décider de diviser la population dans des groupes plus cohérents que la classification légale, au regard de la structure de son entreprise.

Rappelons que la classification légale consiste à diviser la population en quatre groupes :

  • Ouvriers ;
  • Employés ;
  • Techniciens et agents de maîtrise (TAM) ;
  • Ingénieurs et cadres.

Cette répartition n’est pas toujours celle qui est la plus opportune compte tenu des effectifs de l’entreprise. Le décret permet donc la liberté d’adaptation de la classification.

L’écart des augmentations individuelles et des promotions

La notion d’ « écarts de taux d’augmentations individuelles » renvoie à l’écart des taux de bénéficiaires d’augmentations individuelles.

Ainsi, l’indicateur est calculé en comparant le pourcentage de salariés augmentés parmi les hommes à celui de salariées augmentées parmi les femmes pour chacun des quatre groupes de CSP comptant 10 salariés ou plus de l’un et de l’autre sexe. Il en va de même pour l’écart de taux de promotions.

Pour cet indicateur, la classification selon le coefficient hiérarchique ou le niveau de poste n’est pas possible elle doit absolument être faite selon la répartition légale, à savoir : 

  • Ouvriers ;
  • Employés ;
  • Techniciens et agents de maîtrise (TAM) ;
  • Ingénieurs et cadres.

La notion de promotion est définie en annexe du décret comme le passage à un niveau de classification ou coefficient supérieur, dans la classification de branche ou dans le système de cotation choisi par l’entreprise.

Il est conseillé à l’entreprise d’être la plus transparente possible sur la méthode de promotion, afin que les salariés et les représentants élus au CSE puissent identifier clairement la notion de promotion.

Nombre de femmes augmentées à leur retour de congé maternité

L’indicateur concerne les salariées qui sont revenues de congé maternité au cours de la période annuelle de référence.

Parmi ces salariées, seules sont prises en compte, pour le calcul de l’indicateur, celles ayant eu un congé maternité durant lequel des augmentations salariales (générales ou individuelles) ont eu lieu. Pour elles, comme le prévoit la loi depuis 2006, il faut procéder à une réévaluation de leur rémunération.

Le congé d’adoption est pris en compte dans le calcul de l’indicateur, au même titre que le congé de maternité. L’indicateur concerne donc tout salarié de sexe féminin ou masculin.

Selon la jurisprudence, dès lors qu’une prime est expressément subordonnée à la participation effective du salarié à une activité de l’entreprise et qu’elle répond à des critères d’attribution objectifs, mesurables et licites, elle n’est pas due à la salariée pendant son congé de maternité.(Cass. soc., 19 septembre 2018, nº 17-11.618 FS-PB)

Si une seule salariée dans cette situation ne perçoit pas d’augmentation, aucun point ne sera accordé à l’entreprise sur cet indicateur.

La parité parmi les 10 plus hautes rémunérations

Pour obtenir la note maximale de 10/10 sur cet indicateur, il doit y avoir :

  • Minimum 4 femmes et maximum 6 hommes ;
  • Ou minimum 4 hommes et maximum 6 femmes.

27 % des entreprises en 2022 respectent une parité ou une quasi parité, leur attribuant ainsi la note maximale de 10/10.

En parallèle, 35 % des entreprises recensent moins de deux femmes dans le top 10 des rémunérations, leur attribuant la note minimale de 0/10.

Cet indicateur est celui qui obtient le moins bon score et qui est le plus souvent la cause des points manquants pour les entreprises.

La note moyenne obtenue en 2022 est de 5/10, contre 4/10 en 2021. Une progression est donc remarquée.

La vérification du calcul de l’index

Les pouvoirs de l’expert-comptable dans le calcul de ces indicateurs

Le CSE n’a pas accès aux informations lui permettant de vérifier le calcul de l’index. D’ailleurs, la BDESE ne fournit pas les informations suffisantes. Bien souvent, les effectifs choisis par la BDESE sont ceux au 31 décembre, donc les effectifs à un moment T.

Or, le calcul de l’index nécessite que soient pris en compte les salariés permanents, en CDI ou en CDD présents au moins six mois dans l’entreprise (consécutifs ou non). La BDESE n’apporte pas cette information, celle-ci doit être analysée à partir du fichier des rémunérations.

Pour le CSE, les effectifs présents dans la BDESE posent donc un premier problème puisqu’ils ne permettent pas de sélectionner l’effectif à prendre en compte pour ce calcul.

Un deuxième problème apparaît. La BDESE, bien souvent et de façon volontaire, n’adopte pas les mêmes tranches d’âges que celles qui permettent de calculer l’index. En effet, les articles R2312-8 et R2312-9 du Code du travail qui listent les données obligatoires de la BDESE ne fixent aucun formalisme à respecter en matière de choix de tranches d’âge. Ainsi, la direction est libre d’adopter des tranches d’âges propres à sa population, ce qui rend pour le CSE la vérification des indicateurs de l’index impossible.

Il en va de même pour les CSP choisies dans la BDESE, qui bien souvent ne correspondent pas à celles sélectionnées pour le calcul des indicateurs.

L’expert comptable peut donc vérifier les différents indicateurs à travers le fichier des rémunérations et des diverses questions qu’il adressera à la direction.

Le CSE devrait, dès le début de son mandat, mener une étude de rémunération au sein de l’entreprise via son expert-comptable. Cela lui permettra de demander à l’employeur de régulariser les éventuels écarts de rémunérations (peu importe le sexe du salarié), et ainsi s’assurer que les autres négociations réalisées au sein de l’entreprise (augmentations générales, primes liées à l’épargne salariale fonction des rémunérations…) ne viennent pas maintenir ces écarts de rémunérations.

Cadre d’exploitation de l’Index égalité professionnelle

La loi du 5 septembre 2018 pour La liberté de choisir son avenir professionnel fixe un objectif de résultat et non plus seulement de moyens pour résorber les inégalités de salaire entre les femmes et les hommes dans un délai de 3 à 4 ans selon la taille de l’entreprise.

L’employeur doit évaluer son entreprise chaque année selon les 5 indicateurs de l’Index égalité d’un total de 100 points :

• La suppression des écarts de salaire entre les femmes et les hommes, à poste et âge comparables (40 points) ;

• La même chance d’avoir une augmentation pour les femmes que pour les hommes (20 points) ;

• La même chance d’obtenir une promotion pour les femmes que pour les hommes (15 points). Cet indicateur concerne uniquement les entreprises de plus de 250 salariés ;

• Toutes les salariées augmentées à leur retour de congé maternité, dès lors que des augmentations ont été données en leur absence (15 points) ;

• Au moins 4 femmes dans les 10 plus hautes rémunérations (10 points).

Dès que le résultat global est inférieur à 75 points, des mesures correctives et de rattrapage doivent être mises en œuvre.

Les entreprises disposent de 3 ans pour atteindre le niveau de 75 points, faute de quoi elles s’exposent à une sanction financière qui peut atteindre 1 % du chiffre d’affaires.

Concepts clés et définitions : #CSE ou Comité Social et Économique