Fonctionnement

L’ordre du jour résulte « du seul accord commun » entre l’employeur et le secrétaire du CSEE

Par Agnès Redon | Le | Jurisprudence du cse

Dans un arrêt du 4 octobre 2023, la Cour de cassation a estimé que l’ordre du jour résultait « du seul accord commun » entre l’employeur et le secrétaire du CSEE.
Toute autre forme d’injonction à transcrire fidèlement les questions porterait atteinte à la fois au pouvoir du président et du secrétaire. Mohamed Sylla, secrétaire général UNSA-Lidl et juge au Conseil des Prud’hommes, analyse cette décision.

Mohamed Sylla, secrétaire général UNSA-Lidl - © D.R.
Mohamed Sylla, secrétaire général UNSA-Lidl - © D.R.

Quel est le contexte de cette jurisprudence ?

Cette nouvelle forme de représentation des salariés à travers une instance unique avait suscité des interrogations et des désaccords.

C’est une décision de la cour de cassation du 04 octobre 2023 qu’on pourrait nommer « la jurisprudence Lidl » car la décision concerne un dossier Lidl.

Le 17 juillet 2018, conformément aux ordonnances Macron, est conclu un accord collectif relatif à l’organisation, au fonctionnement et aux attributions du CSE au sein de l’entreprise. Cet accord prévoit notamment la mise en place d’un comité social et économique d'établissement (CSEE) au sein des vingt-sept établissements distincts reconnus dans l’entreprise dont chacune des vingt-cinq directions régionales et un comité social et économique central (CSEC). 

En 2019, pratiquement toutes les entreprises privées ont mis en place un CSEE. 

Cette nouvelle forme de représentation des salariés à travers une instance unique avait suscité des interrogations et des désaccords. Ce fut donc le cas au sein de la société Lidl, plus précisément au sein du CSEE de la direction régionale de Lidl DR 15.

Quelles étaient les revendications des élus du CSEE ?

Le CSEE de Lidl DR 15 a souhaité garder la présentation de l’ordre du jour sous forme de questions réponses.

Dès la mise en place du CSEE, les élus CSEE ont réclamé la transcription fidèle sans possibilité pour le président du CSEE de reformuler les questions ou de les regrouper en thématiques. 

En l’espèce, le CSEE de Lidl DR 15 a souhaité garder les méthodes de l’ancienne représentation du personnel (DP-CHSCT) c’est-à-dire présenter un ordre du jour sous forme de questions réponses en prétextant que « la liberté d’expression de ses élus fait obstacle à toute reformulation, anonymisation des auteurs et tout regroupement de leurs questions par l’employeur lors de la rédaction de l’ordre du jour et que les questions des membres doivent être inscrites fidèlement à l’ordre du jour de la réunion sans aucune reformulation ».

La Cour d’appel de Rennes dans un arrêt rendu le 19 novembre 2021 (n° 21/01236) avait validé la position du CSEE de Lidl DR 15 en précisant que « le président du comité avait l’obligation de retranscrire à l’ordre du jour de la réunion les questions adressées par les membres du comité au secrétaire ».

La société Lidl s’est donc pourvue en cassation.                                                                                       

La Cour de cassation a-t-elle finalement tranché cette affaire ?

La « jurisprudence Lidl » affirme clairement les pouvoirs du président et du secrétaire.

Oui, dans un arrêt du 4 octobre 2023 (Pourvoi n° 22-10.716). Elle casse et annule la décision de la cour d’appel de Rennes qui viole les dispositions des articles « L. 2312-5, L. 2312-8, L. 2315-24 et L. 2315-29 du Code du travail en leur rédaction applicable au litige, ensemble l’article 2 de l’accord collectif relatif à l’organisation, au fonctionnement et aux attributions du comité social et économique élu au sein de la société Lidl du 17 juillet 2018. »

Le juge de la Cour de cassation estime que l’ordre du jour résulte « du seul accord commun » entre l’employeur et le secrétaire du CSEE et toute autre forme d’injonction à transcrire fidèlement les questions porterait atteinte à la fois au pouvoir du président et du secrétaire.

La « jurisprudence Lidl » affirme clairement les pouvoirs du président et du secrétaire de reformuler les questions des membres ou de les regrouper en thématiques. Par contre, le juge pose le socle même de ce mécanisme qui doit impérativement résulter du « seul accord commun ».

Quelle est la position de l’UNSA sur cet arrêt ?

C’est la volonté de dialoguer ainsi que l’efficacité dans la résolution des problématiques soulevées qui comptent.

Pour l’UNSA-Lidl, cet arrêt n’est pas une surprise, c’est même une approche que nous approuvons et demandions afin de rompre avec les pratiques d’un autre temps. Il confirme même le rôle du secrétaire en lui permettant d’éviter que les questions et revendications essentielles posées par les élues et élus CSEE ne se perdent dans un brouhaha de phrases redondantes et parfois contradictoires, quand bien même elles auraient le même objectif. Les élus continueront de revendiquer cette forme de compromis en termes de représentation des salariés.

Enfin, dans la continuité de notre vision syndicale, ce n’est pas Lidl qui gagne mais plutôt la démocratie sociale si et seulement si toutes les parties jouent le jeu. Peu importe la formulation ou la reformulation des questions posées par les élues et élus du CSEE, c’est la volonté de dialoguer ainsi que l’efficacité dans la résolution des problématiques soulevées qui comptent.