Martine Lalevée (Secafi) : « La politique sociale doit servir la pérennité de l’entreprise »
Par Agnès Redon | Le | Prérogatives
Les données de la politique sociale d’une entreprise sont importantes pour les représentants des salariés. Elles doivent être décryptées pour préparer au mieux les négociations collectives. Consultante et analyste économique, financière et sociale chez Secafi (Groupe Alpha), Martine Lalevée analyse l’approche des élus de CSE en matière de politique sociale.
Comment définit-on la politique sociale d’une entreprise ?
Pour définir la politique sociale en entreprise, il faut :
- Identifier l’ensemble des sujets qui ont un impact potentiel sur l’emploi et le climat de travail dans une entreprise et proposer toutes actions qui les favorisent en tenant compte des moyens et du contexte de l’entreprise ;
- Revenir au cadre législatif (article L2312-25 du Code du travail). L’information-consultation annuelle sur la politique sociale couvre un large périmètre comprenant 15 thèmes ;
- Décrypter les visées stratégiques de l’entreprise en matière d’activité et de résultats et voir comment la politique sociale va aider la performance visée, tout en garantissant un cadre d’entreprise satisfaisant pour les salariés.
Pour ce faire, il faut observer :
- La nature et l’évolution de l’emploi ;
- Le développement des compétences, devenu le nerf de la guerre pour l’adaptation des salariés aux nouvelles évolutions des métiers ;
- La rémunération, un point important des négociations annuelles ;
- Les conditions de travail, notamment ce qui a trait à la question de la pénibilité et de la prévention des risques ;
- L’égalité professionnelle.
Il s’agit donc de balayer un large nombre de sujets, tout en répondant aux orientations stratégiques de l’entreprise.
Les élus de CSE doivent-ils tenter de tout traiter ou, au contraire, cibler certains sujets ?
Les sujets varient selon les entreprises, en fonction de l’actualité.
L’amplitude du périmètre de la politique sociale rend la tâche compliquée pour les élus d’appréhender l’ensemble, il vaut mieux cibler certains sujets. D’ailleurs, les sujets varient selon les entreprises, en fonction de l’actualité. En tant qu’experts, nous optons pour une approche pédagogique et globale qui aide à prioriser les sujets clés.
Les élus les plus aguerris en revanche déterminent leurs besoins et notre approche de ces sujets est plus pointue et plus approfondie.
Comment les élus de CSE peuvent-ils décrypter la feuille de route sociale de l’entreprise ?
Il y a souvent une crainte de la direction de se dévoiler sur des sujets sensibles.
Chaque année, une entreprise donne sa feuille de route économique au travers d’un budget, avec des objectifs de chiffre d’affaires et de dépenses. Elle fixe un cadre pour les années suivantes. Or, en politique sociale, ce n’est pas exprimé de manière claire. Quelques thématiques font l’objet de prévision, comme un plan de formation, la formation reste néanmoins une exception dans la formalisation des intentions en matière de politique sociale.
Il y a souvent une crainte de la direction de se dévoiler sur des sujets sensibles (évolution des effectifs, rémunérations…). Le fait d’explorer la politique sociale à travers un bilan social ne montre pas ses intentions mais ses indicateurs de résultats. Capter le non-dit est une problématique à laquelle se heurtent les élus de CSE. Grâce à nos questions à la direction, nous aidons à matérialiser ces objectifs.
A quelles difficultés les élus de CSE sont-ils confrontés ?
En dehors de ce non-dit en matière de politique sociale, les élus ont un problème d’accès aux données sensibles, comme la cartographie du personnel ou de la rémunération. Les entreprises sont assez frileuses sur ces questions. Or, cela n’aide pas les élus dans la préparation des négociations.
L’autre difficulté est celle du temps. En effet, le CSE couvre l’ensemble des sujets économiques, financiers, stratégiques, environnementaux et il n’est pas simple de caser tous les sujets relatifs à la politique sociale dans les réunions de CSE .
En matière de politique sociale, quelles sont vos recommandations aux élus de CSE ?
Il y a une montée en puissance des sujets relatifs à la RSE dans les entreprises.
Pour que les élus comprennent bien les tenants et les aboutissants de la politique sociale, il faut d’abord tenir compte du fait qu’elle doit servir la pérennité de l’entreprise. En effet, une entreprise ayant peu de moyens n’aura pas une politique sociale aussi dynamique que d’autres. Il s’agit ainsi de tenir compte des résultats et des projections stratégiques de l’entreprise, tout en gardant en tête que les élus sont là pour défendre les intérêts des salariés. Ils portent des sujets d’intérêt général.
Par ailleurs, on observe une montée en puissance des sujets relatifs à la responsabilité sociale et environnementale (RSE) dans les entreprises. Il s’agit donc d’examiner la politique sociale au-delà du périmètre de l’entreprise, notamment dans son bassin d’emploi. Cette dimension est importante.
Pour aller plus loin sur le sujet de la politique sociale, consultez le Traits d’Union N°146 publié en septembre 2023 par Secafi.
Concepts clés et définitions : #QVCT (ex QVT) ou Qualité de Vie et des Conditions de Travail