Fonctionnement

Le droit d’alerte économique : les 4 enjeux clés de son déclenchement (focus AKP Conseils)

Par Agnès Redon | Le | Prérogatives

Le CSE a la possibilité de déclencher une procédure d’alerte économique, lorsque il a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise. Lors d’une conférence en mars 2024, Alexandre Pichori, expert-comptable d’AKP Conseils (cabinet d’expertise comptable et de conseil pour les CSE), a analysé les enjeux clés du déclenchement de l’alerte économique.

Le droit d’alerte économique : les enjeux clés de son déclenchement par les élus (focus AKP Conseils) - © D.R.
Le droit d’alerte économique : les enjeux clés de son déclenchement par les élus (focus AKP Conseils) - © D.R.

1/ La prévention des difficultés 

Pour anticiper et répondre de manière proactive aux difficultés auxquelles une entreprise peut être confrontée, diverses stratégies et mesures peuvent être mises en place. Ces initiatives visent à détecter précocement les signes de détresse financière ou opérationnelle, et à mettre en œuvre des solutions adaptées pour préserver la santé et la viabilité de l’entreprise.

Parmi les approches les plus couramment utilisées figurent :

  • La mise en œuvre d’une procédure d’alerte ;
  • La mise en œuvre d’une négociation confidentielle avec les créanciers de l’entreprise en ayant recours au mandat ad hoc ;
  • Le recours à une procédure de conciliation.

L’article L2312-63 du Code du travail stipule que lorsque le CSE a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications.

Cette demande est inscrite de droit à l’ordre du jour de la prochaine séance du comité. Si le comité n’a pu obtenir de réponse suffisante de l’employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport. Dans les entreprises employant au moins mille salariés et en l’absence d’accord prévu à l’article L.2315-45 du Code du travail, ce rapport est établi par la commission économique.

Ce rapport, au titre du droit d’alerte économique, est transmis à l’employeur et au commissaire aux comptes.

Le CSE ou, le cas échéant, la commission économique peut :

  • Se faire assister, une fois par exercice comptable, de l’expert-comptable, convoquer le commissaire aux comptes ;
  • S’adjoindre avec voix consultative deux salariés de l’entreprise choisis pour leur compétence et en dehors du CSE.

Lors de la séance suivante du Comité, la direction doit apporter des réponses aux questions qui lui ont été posées. Deux cas peuvent alors se présenter :

  • Si le Comité juge, sur la base des réponses fournies par la direction, que la situation de l’entreprise n’est pas préoccupante, la procédure d’alerte est clôturée ;
  • Si le Comité estime que les réponses fournies sont insuffisantes ou confirment la préoccupation quant à la situation économique de l’entreprise, la procédure d’alerte est poursuivie. Dans ce cas, le Comité peut décider de se faire assister par un expert-comptable.

Un CSE d’établissement ne peut pas exercer la procédure d’alerte économique, même s’il justifie de faits préoccupants sur la situation économique de l’entreprise et même si le CSE central n’a pas mis en œuvre cette procédure (Cass, soc,15/06/2022, n° 21-13 312).

2/ La définition d’un fait préoccupant

Le CSE a la possibilité de déclencher une procédure d’alerte économique, lorsqu’il a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise.

Le comité doit avoir connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise (article L2312-63 du Code du travail).

Les exemples d’indicateurs pouvant révéler le caractère préoccupant de la situation économique de l’entreprise sont les suivants :

  • Le non-paiement de cotisations fiscales ou parafiscales ;
  • Un retard dans le paiement des salaires ;
  • Des pertes entraînant une diminution de l’actif net ;
  • Un arrêt ou une réduction importante des investissements habituels ;
  • Le refus de certification des comptes par le commissaire aux comptes.

L’expert-comptable peut aider le CSE à rédiger la description des faits préoccupants.

3/ Le déclenchement du droit d’alerte économique

Le droit d’alerte économique est une prérogative des missions des représentants du personnel siégeant au CSE. Cependant, l’alerte peut être lancée en amont par n’importe quel salarié qui prend connaissance d’une situation préoccupante. Informé par le lanceur d’alerte, Le CSE peut ensuite déclencher la procédure.

  • Dans les entreprises possédant une commission économique, c’est cette dernière qui engagera l’alerte économique.
  • Dans les autres entreprises de plus de 50 salariés, tout élu du comité dispose de ces attributions et peut donc déclencher l’alerte.

Il est important de ne pas attendre une dégradation. Mieux vaut alerter en amont d’une restructuration par exemple, plus qu’après l’établissement d’une PSE (plan de sauvegarde de l’emploi dans le cadre d’un licenciement économique collectif).

Afin de sonder régulièrement la situation économique de l’entreprise, les élus du personnel doivent consulter la BDESE (base de données économiques et sociales) à long terme. L’usage de l’alerte économique permet alors de renforcer le dialogue social et l’amélioration des conditions de travail.

En cas de danger portant sur la politique sociale (baisse de la masse salariale brute, la hausse des contrats à durée déterminée), le CSE doit déclencher une alerte sociale. La procédure est sensiblement similaire celle de l’alerte économique.

4/ La protection des lanceurs d’alerte dans l’entreprise

Le lanceur d’alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi :

  • Un crime ou un délit ;
  • Une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ;
  • Un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement ;
  • Ou une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance.

Concernant la confidentialité des données, la divulgation des éléments de nature à identifier le lanceur d’alerte est interdite, sauf :

  • À l’autorité judiciaire ;
  • Avec le consentement de celui-ci et interdiction de la divulgation des éléments de nature à identifier la personne mise en cause par un signalement, sauf à l’autorité judiciaire, qu’une fois établi le caractère fondé de l’alerte.

La divulgation d’éléments confidentiels est sanctionnée de :

  • Deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende ;
  • Un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende pour toute personne faisant obstacle à la transmission d’un signalement aux personnes et organismes compétents ;
  • Une amende civile portée à 30 000 euros lorsque le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction sont saisis d’une plainte pour diffamation contre un lanceur d’alerte.

Concepts clés et définitions : #CSE ou Comité Social et Économique