Dialogue social

« La Syndicaliste » : l’histoire d’une lanceuse d’alerte ex-CFDT portée au cinéma

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Engagée à la CFDT, Maureen Kearney était secrétaire générale du comité de groupe européen chez Areva jusqu’en 2012. Elle avait lancé l’alerte au sujet d’un contrat de transfert de technologies vers la Chine, avant d'être violemment agressée.

L’avant-première du film « La Syndicaliste » - © D.R.
L’avant-première du film « La Syndicaliste » - © D.R.

Maureen Kearney, « La Syndicaliste »

Le 17 décembre 2012, Maureen Kearney est retrouvée ligotée à une chaise dans son salon, la lettre A scarifiée sur le ventre, le manche d’un couteau enfoncé dans son vagin. Cette agression est-elle liée à son engagement syndical dans le groupe Areva (NDLR : devenu Orano en 2018) ?

Son histoire portée au cinéma et incarnée par Isabelle Huppert sort le 1er mars 2023.

Un débat sur les lanceurs d’alerte et l’engagement syndical a suivi a projection en avant-première de « La Syndicaliste », un événement organisé le 21 février 2023 par le le Groupe Technologia, un cabinet spécialisé en évaluation et en prévention des risques.

« Ne jamais rester seul en tant que lanceur d’alerte »

« Médiatiser un lanceur d’alerte n’aide pas toujours à faire valoir son combat. Concernant la position des lanceurs d’alerte, il est conseillé de faire appel à un collectif, comme un cabinet d’expertise ou une association », a signalé Dorothée Charvériat, du cabinet Technologia

Concernant l’entourage des lanceurs d’alerte, Maureen Kearney a confirmé combien il le lui avait été essentiel. Dans le cadre de son engagement syndical chez Areva, elle était proche d’Anne Lauvergeon, ex-PDG d’Areva et en contact régulier avec Bernard Cazeneuve et Jean-Marc Ayrault, des anciens ministres, notamment en 2012, l’année de son agression. Elle tentait de les alerter contre les risques de transfert de technologie nucléaire d’Areva vers la Chine.

« On m’a parfois reproché d’avoir un carnet d’adresse. Mais pour moi, être en contact avec des ministres, des élus, cela n’a rien d’extraordinaire, surtout en Irlande d’où je suis originaire. Heureusement, dans mon combat, je n’ai jamais été seule. Mes proches ainsi que la CFDT m’ont toujours soutenue. »

« Beaucoup de travail à faire pour protéger les lanceurs d’alerte »

« Je ne suis pas une héroïne. Si j’avais su ce que j’allais vivre, la violence judiciaire, les juges non formés aux troubles du stress post-traumatique je ne me serais jamais lancée dans cette affaire. Il y a beaucoup de travail à faire pour protéger les lanceurs d’alerte  », a souligné Maureen Kearney.

« Dans une étude que nous avons réalisé en 2016, sur 20 lanceurs d’alerte, seul un répondait qu’il ne regrettait pas de l’avoir fait, malgré les difficultés vécues. Cela montre bien que leur vie a été complètement détruite et que la règlementation est tout à fait insuffisante, d’autant plus avec la loi relative à la protection du secret des affaires. C’est une véritable entrave à la manifestation de la liberté. Il faut en avoir conscience : par cette loi, on interdit aux journalistes de faire leur travail, alors que ce sont eux les premiers lanceurs d’alerte », a précisé Jean-Claude Delgènes, président fondateur de Technologia

Pression et menaces

La sortie de ce film est-il susceptible de raviver les menaces auxquelles Maureen Kearney a dû faire face en 2012 ?

« Malheureusement, Caroline Michel-Aguirre, la journaliste autrice du livre “La Syndicaliste” publié en 2019, à l’origine du film, a récemment reçu des menaces », a affirmé Jean-Paul Salomé, le réalisateur du film « La Syndicaliste ».

«  Pour ce film, nous n’avons pas été menacés. Avec le producteur délégué, Bertrand Faivre, qui a toujours soutenu ce projet, nous avons choisi de nommer les gens dans cette histoire et de faire analyser le scenario par un cabinet d’avocat pour éviter la diffamation. Le seul problème auquel j’ai dû faire face, c’est la pression sur la recherche de financements du film. En effet, j’ai généralement des facilités à obtenir des financements, surtout de la part de l’Ile-de-France. Pour ce film, aucune région n’a voulu participer, ce qui nous a obligés à trouver des financements en Allemagne. »