V.Jacquemond (Groupe Alpha) : « Le renforcement du rôle des représentants de proximité est nécessaire »
Par Agnès Redon | Le | Prérogatives
Dans les entreprises multisites, la centralisation des CSE conduit à un éloignement des représentants du personnel du terrain, rarement compensé par la mise en place de représentants de proximité. C’est l’analyse de Vincent Jacquemond, Directeur associé, expert en santé au travail pour le Groupe Alpha dans l’une des contributions du Groupe lors des Assises du travail.
Quelles sont les missions des représentants de proximité ?
Rappelons que cette fonction n’est pas obligatoire (article L2313-7 du Code du travail). En effet, la mise en place de représentants de proximité s’effectue uniquement par voie d’accord, qui définit leur rôle, leurs moyens et leur fonctionnement.
Leur périmètre d’action varie d’une entreprise à l’autre. Ils sont :
- soit des membres du CSE,
- soit des personnes désignées par le CSE.
Avant la mise en place des ordonnances de 2017, le cadre du dialogue social était plutôt homogène, il varie maintenant en fonction du résultat de la négociation dans chaque entreprise.
Qu’observez-vous sur le terrain, au sujet des représentants de proximité ?
Nous souhaiterions que le périmètre d’action des représentants de proximité soit élargi.
Aujourd’hui, nous observons ces 2 situations :
- soit les entreprises ne négocient pas plus que le cadre supplétif prévu par le Code du travail et, dans ce cas, il n’y a pas de représentants de proximité, seulement une CSSCT bien souvent centralisée ;
- soit des instances de proximité se mettent en place et regroupent les questions traitées par les anciens délégués du personnel, c’est-à-dire les problématiques individuelles et, dans certaines entreprises, les questions sur les conditions de travail locales.
Le Code du travail stipule que les membres de la CSSCT doivent être membres du CSE, ce qui limite leur nombre et donc leur présence sur chaque site. Nous souhaiterions que ce frein soit levé et que le périmètre d’action des représentants de proximité soit élargi, en particulier sur les conditions de travail.
Par exemple, dans certaines entreprises, ils sont invités aux réunions de la CSSCT. On observe également des représentants du personnel qui tentent de pallier le manque de représentants de proximité en échangeant hors des instances formelles, notamment avec les managers locaux. Ils font remonter les problématiques en CSE et en CSSCT.
Peu d’entreprises sont dotées de représentants de proximité, ou principalement les plus grandes. En quoi est-il important de renforcer leur rôle et leur présence ?
Les représentants de proximité ont un lien privilégié avec le management local.
Grâce à leur proximité avec les salariés, ces représentants ont une bonne compréhension des problématiques liées au travail et au vécu des salariés. En effet, les élus de CSE ont un ordre du jour très chargé à traiter et, faute de temps, les sujets locaux peuvent parfois passer à la trappe.
Même si ces problématiques locales leur sont remontées, il peut également y avoir des enjeux de compréhension pour proposer des solutions et des améliorations des conditions de travail.
Par ailleurs, les représentants de proximité ont un lien privilégié avec le management local, c’est l’un des intérêts de leur fonction.
Comment peut-on renforcer ce rôle ?
Le dialogue social ne peut se contenter d’être formel, sous la forme d’instances centralisées.
Tout d’abord, il faudrait modifier et renforcer le cadre légal supplétif concernant le rôle des représentants de proximité.
Dans le cadre légal actuel, par voie de négociation, les employeurs ont peu d’incitation à augmenter le nombre de représentants du personnel. En effet, les ordonnances leur ont au contraire permis de réduire le nombre d’élus et le nombre d’heures de délégation.
Cependant, un certain nombre de DRH constatent les insuffisances au regard du dialogue social actuel, notamment en matière des conditions de travail et de santé au travail.
Dans le cadre des négociations collectives sur les accords du CSE, nous invitons les parties prenantes à corriger ces dysfonctionnements déjà constatés. Par exemple, le Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) a vocation a être discuté au plus près des postes et des situations de travail.
Dans le Code du travail, devrait être ajoutée l’obligation de mise en place d’une commission SSCT dans toute entreprise d’au moins 50 salariés, avec possibilité d’y déroger par accord collectif ou, à défaut d’accord, délibération du CSE.
De même, à titre supplétif, devrait être prévu un nombre de membres de la CSSCT en fonction du nombre de salariés dans son périmètre, ainsi que des heures de délégation spécifiques pour leurs membres.
Le dialogue social ne peut se contenter d’être formel, sous la forme d’instances centralisées. Il doit proposer des axes d’amélioration concrets, efficaces et attendus des salariés.
L’écoute des salariés et le dialogue sur les conditions de travail demandent un peu de moyen et de temps, mais c’est un investissement rentable, efficace et profitable à tous sur le long terme.
Concepts clés et définitions : #CSSCT (ex CHSCT) ou santé et sécurité au travail