Dialogue social

Patrice Weisheimer (SEP Unsa) : « Seule l’action collective est efficace dans une démocratie sociale »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Représentant du SEP Unsa à l’Opco Uniformation, au sein de la section paritaire professionnelle Accompagnement social et éducatif jeunesse loisirs et militant, Patrice Weisheimer définit le moteur de son engagement par la lutte contre les injustices. Il revient sur son parcours militant et livre ses réflexions sur l’importance d’un dialogue social de qualité et de l’action collective.

Patrice Weisheimer, SEP Unsa - © D.R.
Patrice Weisheimer, SEP Unsa - © D.R.

Quel est votre parcours ?

J’ai adhéré à l’Unsa en 2006 et je suis rapidement devenu secrétaire de la section régionale Alsace.

  • En 2009, je suis devenu secrétaire départemental de l’Unsa du Bas-Rhin, qui comprenait 8.000 adhérents.
  • En 2011, j’ai pris la tête du Syndicat de l’Education Populaire au niveau national.
  • En 2012, j’ai représenté l’Unsa au Parlement européen à l’Intergroupe Service Public (IGSP).
  • En 2013, je suis devenu négociateur de la branche de l’animation qui est devenu ensuite celle des métiers de l'Éducation, de la culture, des loisirs et de l’animation (ECLAT).

Depuis 2006, j’ai obtenu en parallèle des mandats locaux au comité technique et au CHSCT ministériel jeunesse et sport en 2014. Je travaillais donc à la fois sur le public et le privé, ce qui était intéressant.

De 2007 à 2019, j’ai également siégé au Comité National d’Education Populaire et de Jeunesse (CNEPJ) puis au Conseil d’Orientation des politiques publiques de Jeunesse (COJ), une instance où se créent les politiques de jeunesse et d'éducation populaire.

Depuis avril 2022, je suis représentant à l’Opco Uniformation à la section paritaire professionnelle Accompagnement social et éducatif jeunesse loisirs et à l’Assemblée Générale, un mandat de quatre ans.

Quel est le moteur de votre engagement ?

Je suis un militant et un professionnel de l'éducation populaire qui porte des valeurs de justice sociale, d’égalité et de liberté

Le moteur de mon engagement, c’est l’injustice. Dans ce type de situation, les gens ne peuvent pas rester isolés. Et les syndicats ont un rôle à jouer car seule l’action collective est efficace pour les accompagner. 

Je suis un militant et un professionnel de l'éducation populaire qui porte des valeurs de justice sociale, d’égalité et de liberté. Par ailleurs, mon métier à la base est tourné vers le développement de l’esprit critique, l'émancipation et l’éducation à la démocratie.

J’ai pu incarner ces valeurs dans mon parcours syndical. 

Pourquoi avez-vous choisi l’Unsa ?

SEP Unsa me permet d'être force de proposition mais également de taper du poing sur la table si nécessaire, s’il n’y a pas de volonté d'écoute et de dialogue social

Dans mon secteur, deux syndicats étaient majoritaires :

  • la FSU,
  • le Syndicat d'éducation populaire (SEP) Unsa.

La FSU pouvait m’attirer dans sa manière de fonctionner et dans le rapport de force mais le discours du SEP Unsa me convenait davantage. En effet, par son identité axée autour du réformisme, SEP Unsa me permet d'être force de proposition mais également de taper du poing sur la table si nécessaire, s’il n’y a pas de volonté d'écoute et de dialogue social.

Par ailleurs, j’ai un profond besoin de liberté et les valeurs de laïcité et d’autonomie, portées par SEP Unsa, me correspondent parfaitement.

Quels sont les moments marquants de votre parcours ?

Les expériences riches, ayant du sens, m’ont le plus marqué. Dans le cadre de mes mandats syndicaux, j’ai vécu des moments extraordinaires.

Par exemple, lorsque j'étais à la tête de l’Union départementale de l’Unsa dans le Bas-Rhin en 2009, nous avions décidé de travailler sur deux axes : 

  • La communication pour mieux faire connaître l’UNSA et changer l’image du syndicat.
  • Rajeunir et toucher les réseaux de jeunes militants.

Pour ce faire, nous avions organisé un festival avec le concours d’une association culturelle. L’objectif était également de faire revivre un parc en milieu urbain qui était déserté et où était installé le club-house d’une association sportive. A cette occasion, nous avons invité pour des débats la représentante des femmes africaines à l’ONU et Tawakkol Karmann, Prix Nobel de la Paix en 2011.

Quels principes appliquez-vous pour mener une négociation ?

Je me suis formé aux soft skills, la régulation des émotions et sur la communication non-violente

D’après moi, il y a 3 manières de produire du changement qui se traduisent par un positionnement à l'égard du pouvoir :

  • La contestation, c’est-à-dire se positionner contre le pouvoir ;
  • La négociation étape par étape avec le pouvoir. C’est le syndicalisme réformisme ;
  • L’indifférence vis-à-vis-du pouvoir et la création d’utopies concrètes qui pourront ensuite être inspirantes pour se développer.

Au début de mon parcours syndical, j’étais clairement dans le rapport de force. Or la violence, même symbolique, engendre la violence. Cela a été le cas lorsque nous avons dû nous confronter aux CRS lors de manifestations pacifistes, par exemple.

Cette prise de conscience m’a progressivement mené à des pratiques de syndicalisme réformiste. Je me suis ensuite formé aux soft skills, la régulation des émotions et sur la communication non-violente. Il s’agissait de remettre à plat ma manière de négocier, davantage dans le respect de mes interlocuteurs, le compromis et l’intelligence collective.

Quels sont les sujets que vous portez actuellement dans vos revendications ?

Je ressens autour de moi une nette augmentation du mal être au travail

Le sujet prioritaire est celui d’un dialogue social de qualité afin d'être plus compétent et efficace dans la négociation et la construction d’accords, au service des salariés. Je suis d’ailleurs, en ce moment en reconversion, professionnelle dans une coopérative de formateurs et consultants, où nous accompagnons les structures à développer un dialogue social de qualité. Et j’interviens en Master 2 de Droit, sur le thème du parcours dialogue social, auprès d’employeurs et salariés à l’université sur ce sujet.

La reconnaissance des métiers de l’animation est une question centrale. En effet, depuis une dizaine d’années, la précarité des salariés ne fait que s’accroître. Nous notons des problèmes sur le salaire, notamment en raison de l'écosystème financier de ces métiers. Les employeurs ne sont pas nos seuls interlocuteurs sur ce sujet, car eux-mêmes subissent cette situation, avec la baisse des subventions. Ainsi, il nous faut travailler ensemble pour construire des meilleures conditions de travail.

La souffrance des agents du ministère chargé de la jeunesse et du sport, qui a été rattaché au ministère de l'éducation nationale. Nous avons connu une saignée sans précédent : entre 2010 et 2020, Jeunesse et Sports est passé de 8.050 à 5.300 agents. Pourtant, le nombre des missions n’a pas été réduit, bien au contraire.

Les premiers mois des salaires et des primes ne sont pas payés et le fonctionnement n’est pas encore adapté. C’est pourquoi, je ressens autour de moi une nette augmentation du mal-être au travail qui se traduit notamment par l’observation de turn-over, mais aussi des cas de burn-out parmi mes collègues.

Ainsi, selon le Baromètre Unsa Education,

  • 61 % des agents considèrent que leurs conditions de travail sont insatisfaisantes,
  • 54 % ne ressentent ni reconnaissance, ni respect de leur pratique professionnelle.

Mais la source de la casse du service public Jeunesse et Sports est née sous la DRH des ministères sociaux à partir de 2010. En 2014, j’ai même porté un dossier au tribunal administratif de Paris pour dénoncer une organisation harcelante en partant de la jurisprudence issue des cas à France Télécom.

Que diriez-vous à une personne souhaitant s’engager dans le syndicalisme ?

Le recueil de la parole des salariés doit redevenir central en vue d’une démocratisation des organisations syndicales

Seule l’action collective est efficace, alors syndiquez-vous, peu importe l’organisation syndicale. Il y a de véritables enjeux pour approfondir la démocratie sociale par le développement de process d’intelligence collective. Le tout intégré dans le dialogue social.

Le recueil de la parole des salariés doit redevenir central en vue d’une démocratisation des organisations syndicales. La baisse du taux de syndicalisation devra nous obliger à nous interroger sur leurs besoins, leurs attentes et ainsi remettre en question nos propres pratiques, ce qui est toujours intéressant.

Comment percevez-vous l'évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?

Dans la fonction publique, la règle des accords majoritaires et la création des CSA, qui se cale sur les règles du secteur privé peuvent amener une amélioration du dialogue social

A l’Unsa, nous estimons que les CSE n’ont pas été une bonne chose, dans la mesure où le nombre de représentants du personnel et de leurs moyens ont été réduits. Cela n’a pas été une réforme concluante de ce point de vue-là.

En revanche, dans la fonction publique, la règle des accords majoritaires et la création des comités sociaux d’administration (CSA), qui se cale sur les règles du secteur privé peuvent amener une amélioration du dialogue social. En effet, jusqu'à présent, dans la fonction publique, si un directeur décidait de ne pas tenir compte du dialogue social, il pouvait le faire sans aucune conséquence.