Droits des salariés

Partage de la valeur : les leviers de négociation des représentants du personnel (focus Syndex)

Par Agnès Redon | Le | Réclamations

Quels sont les leviers de négociation des rémunérations et du partage de la valeur ?
Lors d’un webinaire organisé le 09 juillet 2024 par Syndex, un cabinet d’expertise à destination des représentants des salariés et des organisations syndicales, Elsa Costanzo et Léna Quer-Riclet, expertes du cabinet Syndex, ont font le point sur les définitions du partage de la valeur et ses enjeux actuels, ainsi que sur les leviers de négociation à l’échelle de l’entreprise.

Droit des salariés : les leviers de négociation des rémunérations et du partage de la valeur  - © D.R.
Droit des salariés : les leviers de négociation des rémunérations et du partage de la valeur - © D.R.

La valeur ajoutée et son partage : un enjeu actuel

« Le partage de la valeur ajoutée permet de rétribuer les différentes parties prenantes de la création de valeur. C’est donc un enjeu social, industriel et primordial. Avec la hausse des prix depuis la crise Covid, la valeur ajoutée a fortement progressé », indique Elsa Costanzo.

Or, dans la même période :

  • « Les retours aux actionnaires n’ont jamais été aussi élevés. En effet, sur le CAC 40 français, les sommes consacrées aux retours de trésorerie aux actionnaires dépassent les 80 Md€ ;
  • Les salaires réels ont reculé de 2,2 % ces trois dernières années. Pour analyser le décrochage du pouvoir d’achat, il est important de regarder l’effet sur les salaires de 2021 à 2023 et non seulement 2023, puisque la baisse de 2021 et 2022 n’a jamais été rattrapée. »

Pour rappel, les principaux dispositifs collectifs de partage de la valeur sont les suivants :

  • La participation aux bénéfices ;
  • L’intéressement ;
  • L’abondement aux PEE ;
  • La prime de partage de la valeur.

Pour Elsa Costanzo, « une explication de la baisse des salaires réels réside dans les nouvelles possibilités de “booster” le pouvoir d’achat vis-à-vis des mécanismes dits de “partage de la valeur”. Or ceux-ci sont :

  • De moins en moins pérennes ;
  • De moins en moins fiscalisés ;
  • Ne peuvent constituer une réponse pérenne à l’inflation. »

« Depuis 70 ans, il s’agit de la première période avec inflation et sans indexation des salaires à l’inflation, hormis le Smic. »

Pérennisation de la prime de partage de la valeur

La loi sur le Partage de la valeur dans l’entreprise du 29 novembre 2023 a fait évoluer la PEPA, « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat » (ou prime Macron) en « prime de partage de la valeur » (PPV) pour pérenniser le principe du versement d’une prime par voie d’accord ou par décision unilatérale, avec consultation préalable du CSE.

Tous les salariés sont éligibles, mais les montants peuvent différer selon :

  • La rémunération ;
  • Le niveau de classification ;
  • L’ancienneté dans l’entreprise ;
  • La durée de présence effective pendant l’année écoulée ;
  • La durée de travail prévue au contrat de travail.

Ainsi, contrairement à l’intéressement et à la participation, la PPV ne peut pas bénéficier à l’ensemble des salariés.

« Cette prime peut être négociée ou résulter d’une décision unilatérale de l’employeur, après avis du CSE. Son contenu est négociable, à savoir le montant de la prime, les salariés éligibles et les conditions de modulation. Il s’agit d’une négociation à part entière ou intégrée à la négociation sur les rémunérations. Quand il n’y a qu’une seule négociation, il faut faire attention à ce que la prime ne se substitue pas aux augmentations de salaires », indique Elsa Costanzo.

Selon Léna Quer-Riclet, les limites des dispositifs de partage de la valeur sont les suivantes :

  • La précarisation d’une partie de la rémunération, sans pérennité ni de garantie du maintien dans le temps ;
  • Ces dispositifs ne sont pas soumis aux cotisations sociales et patronales, ce qui ne permet pas de financer le modèle social ;
  • Un risque de substitution aux augmentations de salaire pour le maintien du pouvoir d’achat.

« Les augmentations de salaire sont la seule réponse à l’inflation », souligne Léna Quer-Riclet.

Négociation du partage de la valeur

Avant que les négociations du partage de la valeur soient menées, les représentants du personnel doivent évaluer comment la valeur a été partagée ces trois dernières années. Ainsi, les informations à demander à la direction sont les suivantes :

  • L’évolution de la masse salariale pour connaître la valeur qui revient aux salariés ;
  • L’évolution des dividendes versés ;
  • L’évolution des impôts et des taxes.

« Si l’augmentation de la part des salariés est inférieure, cela permet d’avoir des arguments en faveur des augmentations de salaire », précise Léna Quer-Riclet.

« En cas d’augmentations individuelles, il faut :

  • Poser des règles de distribution de l’enveloppe en fonction de vos priorités syndicales ;
  • Faire inscrire dans l’accord la communication d’un bilan précis de sa distribution.

Dans tous les cas, les négociations ne peuvent être abordées sans prendre en compte la situation économique et financière de l’entreprise, et ses perspectives. »

Concepts clés et définitions : #Smic ou Salaire minimum interprofessionnel de croissance, #Syndicat