Un salarié protégé peut être licencié pour faute pour l’exercice abusif de son droit de retrait
Le | Jurisprudence du cse
Un salarié protégé peut être licencié pour motif disciplinaire pour avoir exercé de manière abusive son droit de retrait, juge le Conseil d’État dans un arrêt du 28 mai 2024.
Le contexte
Un salarié est embauché en 2008 en qualité de chauffeur livreur. Il exerce son droit de retrait à deux reprises, le 04 janvier 2018 et le 08 janvier 2018. Il refuse également de travailler le 12 janvier 2018. L’employeur sollicite l’inspection du travail pour obtenir une autorisation de licenciement pour motif disciplinaire. L’inspection du travail autorise ce licenciement par décision du 12 avril 2018. Le salarié saisit le tribunal administratif afin de contester cette décision.
La cour administrative d’appel rejette sa demande, jugeant que le licenciement pour motif disciplinaire du salarié est fondé.
Le Conseil d’État confirme l’arrêt d’appel, rappelant l’article L.4131-1 du Code du travail, selon lequel le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il constate que le salarié a exercé son droit de retrait, au motif que l’employeur ne lui avait pas donné un pull et un tee-shirt en complément de sa veste et de son pantalon de protection. Néanmoins, le salarié n’était qu’observateur des procédures de chargement et de déchargement. En outre, la notice des équipements de protection ne prévoit pas d’obligation de port de vêtements spécifiques sous la tenue EPI.
Le Conseil juge donc que l’exercice du droit de retrait par le salarié est abusif. Son comportement présente un caractère fautif et son licenciement est donc bien fondé.
Rappel : le statut de salarié protégé
Lorsqu’un salarié exerce une fonction représentative dans l’entreprise, il bénéficie d’un statut protégé contre le licenciement.
Les bénéficiaires sont notamment les suivants (article L2411-1 du Code du travail) :
- Membre élu de la délégation du CSE ;
- Candidat aux fonctions de membre élu du CSE ;
- Représentant syndical au CSE ;
- Délégué syndical.
Avec cette protection, il s’agit de s’assurer que le licenciement n’est pas en lien avec l’exercice du mandat. Ainsi, la procédure de licenciement classique ne suffit pas : elle est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail. Cette protection s’applique dès l’organisation des élections, lorsque l’employeur est informé d’une candidature ou de l’imminence d’une candidature et elle se termine 6 mois après le terme du mandat (12 mois par exception pour quelques situations exceptionnelles).
La procédure est la suivante (article L2411-3 du Code du travail) :
- Entretien préalable (procédure de licenciement habituelle prévue pour tout salarié) ;
- Convocation du CSE, avec consultation sur le licenciement à l’ordre du jour. Le salarié concerné est entendu et un rendu d’avis par vote est effectué ;
- Demande d’autorisation de l’inspection du travail dont dépend l’établissement qui emploie le salarié. Durant l’enquête contradictoire, le salarié concerné peut, sur demande, se faire assister d’un représentant de son syndicat. L’inspecteur entend personnellement chacune des parties et doit s’assurer que les faits avancés par l’employeur sont justifiés. Il prend sa décision dans les 2 mois qui suivent la date de réception de la demande d’autorisation de licenciement. Passé ce délai, l’autorisation de licenciement est rejetée, mais elle peut faire l’objet d’un recours. En cas d’accord de l’inspection du travail, le licenciement a lieu.