« Une liquidation judiciaire de Monster France paraît inévitable » (Matteo Nicolo, secrétaire CSE)
« Environ 200 employés de Monster sur 230 sont concernés par un plan de licenciements à l’échelle européenne. Les licenciements résultent de la décision de nos actionnaires, Apollo Global Management (51 %) et Randstad (49 %), d’interrompre l’activité », déclare Matteo Nicolo, secrétaire du CSE de Monster France.
Aux États-Unis, l’ensemble CareerBuilder + Monster a été placé le 24/06/2025 en redressement judiciaire (procédure Chapter 11). En l’état actuel, les cessions d’actifs en cours aux États-Unis ne concernent pas l’Europe.

Quel est le périmètre géographique de ces licenciements liés à la fermeture imminente de Monster en France et en Europe ?
Environ 200 personnes sont concernées à l’échelle européenne. Monster emploie actuellement environ 230 personnes en Europe. Une fourchette de 25 à 30 salariés est touchée par la situation en France.
Actuellement, Monster opère dans douze pays d’Europe. Les effectifs concernés se trouvent en France, Italie, Royaume-Uni, Luxembourg, Pays-Bas, Suède, Allemagne, Autriche et République tchèque, où nous avons un centre de service important.
Quel est le contexte de ce plan de licenciements ?
Les licenciements résultent de la décision de nos actionnaires, Randstad (49 %) et Apollo (51 %), d’interrompre l’activité.
A peine huit mois après le lancement de la joint venture, les actionnaires ont opté pour une vente accélérée et une mise en faillite
- Monster a basculé dans le giron de Randstad en 2016.
- En septembre 2024, une joint venture a été créée avec le fonds Apollo Global Management sous le nom CareerBuilder + Monster, et Randstad a cédé la majorité du capital.
- L’objectif était de fusionner Monster et CareerBuilder pour revitaliser l’ensemble.
- Cependant, à peine huit mois après le lancement de la joint venture, les actionnaires ont opté pour une vente accélérée et une mise en faillite sous la procédure Chapter 11 (loi sur les faillites des États-Unis en vue d’une réorganisation/restructuration ou cession d’activité).
Que dénoncez-vous dans ces licenciements ?
Nous avons le sentiment que tout semblait planifié dès le début. Il est inconcevable de décider d’arrêter les opérations après seulement huit mois. Une fusion nécessite généralement 18 à 24 mois pour évaluer son succès ou son échec. Nos actionnaires nous privent de ressources financières, ce qui a déjà commencé avec l’activation de la procédure Chapter 11.
Actuellement, Monster France peut garantir les salaires de juillet 2025, mais pas ceux d’août
Cela signifie qu’ils ne peuvent plus transférer de fonds des États-Unis vers les filiales européennes. Lorsque nous serons à court de liquidités, nous devrons déposer le bilan, un liquidateur judiciaire sera nommé, et les salariés partiront sans compensation.
Actuellement, Monster France peut garantir les salaires de juillet 2025, mais pas ceux d’août. L’argent public, via les assurances garantie des salaires, sera utilisé pour couvrir une partie des besoins et engagements de l’entreprise envers les salariés.
En 2023, un accord d’entreprise avait été signé pour protéger et accompagner les salariés concernés par un licenciement économique, mais avec une liquidation judiciaire, ces obligations seront ignorées.
Nos actionnaires, des multinationales multimilliardaires, s’en remettent de facto à l’argent public pour pallier leurs manquements.
Quelles sont les démarches entreprises par le CSE pour obtenir le respect de l’accord d’entreprise ?
Dès que l’information sur le Chapter 11 est devenue publique début juillet 2025, et que nous avons compris que le business européen avait peu de chances d’être repris, nous avons contacté Sander van’t Noordende, CEO de Randstad Monde, pour demander le respect des engagements envers le personnel en France et plus largement en Europe. Il a répondu que la situation allait être examinée mais il a rapidement mentionné la position de Randstad en qualité d’actionnaire minoritaire à 49 % dans l’ensemble CareerBuilder + Monster.
J’ai également eu des échanges avec la DRH monde et la directrice juridique de Randstad. Le message était clair : ils sont désolés de la situation, mais il n’y aura pas de soutien financier supplémentaire.
Le sujet d’une aide au reclassement des salariés Monster au sein du Groupe Randstad a été évoqué. La réponse a été tout aussi décevante : les salariés peuvent postuler mais n’auront aucune priorité face aux candidatures externes. Cela aurait été une obligation légale dix mois auparavant.
Quelles seront les conséquences pour les salariés ?
Même si les assurances garantie des salaires prennent le relais, utiliser l’argent public pour des entreprises profitables est contraire à l’éthique et aux valeurs d’un groupe qui prône le « Human First ». D’un point de vue pratique, cela signifie que les salariés ne recevront pas leur salaire pendant un certain temps, le temps que la faillite soit déclarée.
Utiliser l’argent public pour des entreprises profitables est contraire à l’éthique et aux valeurs d’un groupe qui prône le « Human First »
Dans une liquidation judiciaire, la perte de la mutuelle est immédiate, contrairement à un licenciement économique où il y a une période de transition. Nous avons des salariés seniors, certains avec des pathologies lourdes nécessitant un suivi médical. Cela laisse les gens dans la précarité.
Quelles sont vos revendications actuelles ?
Nous demandons à Randstad de respecter l’accord d’entreprise de 2023 qui avait été signé sous leur égide en France, ainsi que fournir des conditions d’accompagnement et de financement décentes dans les autres pays européens. Nous ne parlons pas de milliers de personnes, mais de quelques dizaines en France et de 200 en Europe.
Nous demandons à Randstad de respecter l’accord d’entreprise de 2023
L’engagement financier nécessaire est réalisable pour un groupe comme Randstad qui vient de publier des résultats financiers positifs pour le deuxième trimestre de 2025. Deux filiales de Monster ont été vendues et Randstad a accepté de laisser l’argent de la vente pour soutenir Monster seulement aux États-Unis. S’ils étaient vraiment intéressés pour soutenir la fermeture des filiales européennes, ils auraient pu également intervenir financièrement en Europe.
Quel est le plan d’action des représentants du personnel pour la suite ?
Depuis la diffusion des informations sur la procédure Chapter 11, il y a eu beaucoup de colère parmi nos collègues. Nous avons proposé d’engager une conversation rationnelle et directe avec le management du groupe Randstad.
Pour une société dont le premier service est l’humain, l’inaction nous paraît inconcevable. À valeur d’exemple, il n’y a même pas eu de proposition de reclassement interne pour les employés concernés.
Quel est l’état des discussions avec la maison mère ?
Les discussions se déroulent à plusieurs niveaux : avec notre management aux États-Unis, Randstad et Apollo. Je suis en contact avec notre CEO et CFO aux États-Unis. Cependant, étant donné la complexité de la procédure Chapter 11 aux Etats-Unis, la direction monde de Monster n’est pas en capacité d’aider les Européens à y voir clair sur leurs futures situations et il ne semble pas que l’Europe soit dans l’immédiat une priorité pour les États-Unis.
Randstad pourrait faire bouger les lignes, mais pour l’instant, ils restent muets
Le CSE a demandé que des fonds émanant de la vente aux enchères des actifs soient transférés pour soutenir l’Europe, même si cela nécessite l’accord du tribunal américain. Randstad pourrait faire bouger les lignes, mais pour l’instant, le groupe reste muet. Tout comme Apollo.
Redoutez-vous une liquidation pure et simple de Monster France ?
Si la direction de Monster aux États-Unis ne réagit pas et si Randstad ne fait aucun geste, la liquidation judiciaire est inévitable.
Y a-t-il une procédure collective déjà enclenchée devant un tribunal de commerce en France ?
Cela devrait arriver dans les prochains jours. Cela dépendra de la décision des États-Unis de transférer des fonds. Pourtant en France, plus de la moitié du personnel travaille dans des fonctions globales (États-Unis + international) pour lesquelles la France doit aujourd’hui assumer seule les coûts, accélérant ainsi notre chemin vers la liquidation.
Avez-vous connaissance de potentiels repreneurs d’actifs, de CareerBuilder et Monster en Europe ?
Dans le cadre de la cession d’actifs en lien avec la procédure Chapter 11, la société Bold a remporté les enchères aux États-Unis, mais elle n’est pas intéressée par le business européen.
Elle reprendrait la marque au niveau global, ce qui laisse peu d’actifs à vendre en Europe. De surcroît, il apparaîtrait aussi que les noms de domaine UE liés à la marque Monster font partie de la vente, ce qui empêcherait de capitaliser sur la marque en Europe.