Dialogue social

Ingrid Sworst (CFE-CGC) : « La valorisation du parcours syndical, un engagement qui me tient à cœur »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Déléguée syndicale CFE-CGC depuis 2011, Ingrid Sworst est engagée dans l’aide aux salariés, notamment lorsqu’ils font face à des réorganisations d’entreprise. Elle revient sur son parcours militant et livre ses réflexions sur les profondes mutations du syndicalisme qu’elle observe sur le terrain.

Interview d’Ingrid Sworst, déléguée syndicale CFE-CGC - © D.R.
Interview d’Ingrid Sworst, déléguée syndicale CFE-CGC - © D.R.

Quel est votre parcours ?

Je suis diplômée de NEOMA Business School Rouen avec une spécialisation Transport, Logistique et Echanges Internationaux. Puis j’ai effectué le cursus de l’Ecole Supérieure des Transports à Paris qui forme les ingénieurs et cadres des métiers du transport et de la logistique.

En 2022, j’ai la chance de faire partie au nom de la CFE-CGC de la session annuelle de l’IHEE (Institut des Hautes Etudes de l’Entreprise) avec comme sujet de formation : « Les mutations de l’entreprise dans la mondialisation et les défis de la transition énergétique ».

La genèse de mon engagement syndical

• Après différentes expériences de commerciale et de VRP dans le secteur du transport et même de la chimie, j’ai intégré le groupe Adecco en tant que chef d’agence en avril 2008, c’est-à-dire en tant que salariée-employeur.
• Cette expérience professionnelle me satisfaisait pleinement mais mon poste a été supprimé lors du PSE de 2010. Les ressources humaines m’ont proposé un poste de directrice de clientèle sur un bassin d’emploi de 4 agences situées à grande distance les unes des autres et sur 2 départements différents, dont le plus gros du business était à 2 heures de route de chez moi. J’ai donc dû prendre un pied-à-terre sur le bassin d’emploi concerné. A ma grande surprise, aucune prise en charge financière de ma mobilité n’avait été prévue.
• En 2011, une nouvelle organisation était encore annoncée, m’obligeant à retourner à mon agence initiale, encore une fois à mes frais. Agacée par ces méthodes, j’ai contacté le délégué syndical central CFE-CGC, Arnaud de Brienne, pour lui faire part de mes déconvenues. Il m’a proposé de me présenter aux élections professionnelles sur un mandat. Je venais de gagner un challenge commercial national sur la vente des nouvelles technologies et je voulais absolument porter la voix de mes collègues victimes des réorganisations successives.

C’est ainsi que je me suis engagée à la CFE-CGC sur plusieurs mandats. J’ai été élue CE, DP et CHSCT aux élections professionnelles de mon entreprise en 2011. J’ai également été désignée déléguée syndicale par le syndicat national CFE-CGC du travail temporaire. J’ai honoré ces engagements jusqu’aux élections professionnelles de 2020, où j’ai été élue au CSE avec mon mandat de déléguée syndicale CFE-CGC.

  • En 2018, j’ai été désignée par la CFE-CGC conseillère prud’homale, mandat que j’occupe toujours à ce jour.
  • En 2019, j’ai été élue par les Fédérations CFE-CGC déléguée nationale confédérale au Pôle Dialogue Social, Représentativité, Restructuration des Branches, une mission que j’occupe jusqu’au prochain congrès confédéral de mars 2023.
  • En 2021, j’ai été également désignée membre du comité directeur de l’Union Régionale Normandie CFE-CGC par ma Fédération d’appartenance (Fédération Commerce et Services CFE-CGC).

Comment est née votre fibre syndicale ?

Ma fibre syndicale est d’abord née de l’injustice des réorganisations dont je me suis sentie victime puis, comme souvent, d’une belle rencontre avec quelqu’un

D’abord de l’injustice, en tant que salariée, des réorganisations dont je me suis sentie victime puis, comme souvent, d’une belle rencontre avec quelqu’un (Arnaud de Brienne) qui vous tend la main quand vous vivez une situation difficile.

J’ai trouvé cette mission syndicale magnifique et j’ai voulu m’engager pour tendre la main aux salariés qui vivent des difficultés et porter la voix de mes collègues qui vivaient ces réorganisations.

Pourquoi avoir choisi la CFE-CGC ?

La CFE-CGC reflétait bien les spécificités et l’aspect catégoriel de l’encadrement et exposait des valeurs qui étaient les miennes

Honnêtement, je ne connaissais peu de choses sur les syndicats mais la CFE-CGC était le plus proche de la réalité de ce que je vivais.

Elle reflétait bien les spécificités et l’aspect catégoriel de l’encadrement et exposait des valeurs qui étaient les miennes.

Cette intuition s’est révélée tout à fait exacte et m’a été confirmée quand j’ai rencontré Arnaud de Brienne.

Quels sont les moments marquants de votre parcours ?

  • Prêter serment pour être magistrate prud’homale en 2018 ;
  • Mon élection au mandat de déléguée nationale confédérale en octobre 2019. J’avais la grippe et mon nom se terminant par S, il a fallu que j’attende que tous les candidats fassent leur discours. Cette attente m’a paru éprouvante mais j’ai éprouvé de la joie et un soulagement après l’élection.

Quels sont les sujets que vous portez actuellement dans vos revendications ?

Le parcours syndical doit être considéré comme une montée en compétences techniques, psychosociales et en intelligence émotionnelle

J’essaye de suivre au plus près l’actualité de nos militants CFE-CGC.

J’ai un engagement tout particulier qui me tient à cœur : mettre des actions en place pour valoriser leur parcours syndical. Pour moi, il doit être considéré comme une montée en compétences techniques, psychosociales et en intelligence émotionnelle.

De plus, la mise en place des CSE a considérablement accéléré la professionnalisation des élus du personnel, qui doivent traiter de sujets toujours plus complexes avec moins de moyens qu’auparavant.

C’est la raison pour laquelle j’ai pu produire à destination des militants, au cours de mon mandat de déléguée nationale :

  • Un guide de formations certifiantes et diplômantes ;
  • Un guide de négociation sur la valorisation de leurs parcours ;
  • Une formation thématique qui sera au catalogue de notre centre de formation syndicale CFE-CGC à partir de janvier 2023.

Je mène par ailleurs des actions ciblées auprès de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et de l’Institut national du travail de l’emploi et de la formation professionnelle (INTEPF).

Quels principes appliquez-vous pour mener une négociation ?

Le plus important est de bien la préparer car l’essentiel se joue en amont.

En tant que délégués, nous disposons de guides de négociation sur tous les grands sujets, disponibles sur le site internet et l’intranet CFE-CGC. Ils sont souvent conçus à partir des retours d’expérience des militants, ce qui nous permet d'être bien informés sur les possibilités de revendication et sur ce qui est efficace.

De manière générale, je dirais qu’il faut se laisser porter par sa force de conviction.

Comment percevez-vous l'évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?

L’évolution me semble vertigineuse dans le sens où le syndicalisme du XXIème siècle subit de profondes mutations, parmi lesquelles :

  • Les ordonnances Macron de 2017 ont considérablement professionnalisé le rôle des élus ;
  • Le développement des open spaces ne permet pas d’aborder les salariés en toute confidentialité ;
  • Le travail hybride ne permet pas toujours de savoir quand le salarié est sur son poste de travail.
  • Les attentes différentes des nouvelles générations ;
  • Des conditions de travail dégradées pour les populations de l’encadrement (surcharge de travail et difficulté de déconnexion) ;
  • L’augmentation des burn-out ;
  • La transition numérique qui entraîne davantage de mobilités fonctionnelles et géographiques pour les salariés ;
  • La transition énergétique…

Autant de défis face auxquels le syndicalisme doit s’adapter pour y répondre. Mais cela ne m’effraie pas, car j’aime relever les défis.