Seniors : « Changer la perception dans le monde du travail » (Estelle Sauvat, Groupe Alpha)
« Les ordonnances de 2017 ont détruit une grande partie de la force du dialogue social en entreprise, notamment en réduisant considérablement le rôle des délégués de proximité. Elles ont également diminué l’importance du comité d’hygiène et de sécurité. Aujourd’hui, les commissions couvrent moins de la moitié des personnes qui étaient auparavant sous la protection des CHSCT. C’est regrettable, surtout à une époque où les questions de qualité de vie au travail et de risques psychosociaux sont devenues plus importantes », déclare Pierre Ferracci, président du Groupe Alpha, lors de la 5e édition des « débats d’aujourd’hui, transformations de demain «, organisée par le Groupe Alpha le 17/04/2025. Le thème était « Travail, mutations, enjeux et perspectives, dialogues pour l’avenir ».

Le débat réunissait également :
• Estelle Sauvat, directrice générale du Groupe Alpha ;
• Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT ;
• François Hommeril, président de la CFE-CGC ;
• Amir Reza-Tofighi, président de la CPME.
Les ordonnances et le dialogue social

« Les ordonnances de 2017 ont détruit une grande partie de la force du dialogue social en entreprise, notamment en réduisant considérablement le rôle des délégués de proximité. Elles ont également diminué l’importance du comité d’hygiène et de sécurité. Aujourd’hui, les commissions couvrent moins de la moitié des personnes qui étaient auparavant sous la protection des CHSCT. C’est regrettable, surtout à une époque où les questions de qualité de vie au travail et de risques psychosociaux sont devenues plus importantes.
Il est nécessaire de revisiter ces ordonnances de 2017, à la lumière des pratiques observées au fil des années. Elles ont affaibli le dialogue social en fusionnant les instances de représentation du personnel. Il est nécessaire de revisiter ces ordonnances pour rééquilibrer les rapports de force dans les entreprises. »
Pierre Ferracci

« Il est essentiel de dépasser la notion d’emploi, car elle est trop restrictive. La question du travail est au cœur des discussions, surtout depuis les ordonnances Macron et la pandémie de Covid-19. L’engagement des salariés, le sens qu’ils donnent à leur travail et leur capacité à rester au travail le plus longtemps possible sont désormais des enjeux majeurs.
Il est urgent de revisiter les ordonnances de 2017, notamment pour renforcer la représentation de proximité et améliorer les conditions de travail des salariés. Les visites médicales espacées posent problème dans les déserts médicaux. »
Estelle Sauvat

« L’approche française qui impose des syndicats là où le dialogue social fonctionne naturellement est problématique. Dans les grandes entreprises, des structures formelles de dialogue sont nécessaires, mais dans les petites entreprises, le dialogue social se déroule souvent de manière informelle et efficace.
La surreprésentation syndicale peut compliquer le dialogue direct entre employeurs et salariés. Il est important de laisser plus de liberté aux entreprises et aux salariés pour aménager leurs propres règles. »
Amir Reza-Tofighi
« Les ordonnances de 2017 ont affaibli la négociation collective et facilité les licenciements. La représentation collective est essentielle pour équilibrer les pouvoirs entre employeurs et salariés.
Le comité de suivi des ordonnances travail a été supprimé, ce qui témoigne d’un tabou persistant sur ces ordonnances. Un véritable débat sur leur impact est nécessaire. »
Sophie Binet
« La fusion des instances de représentation du personnel imposée par les ordonnances de 2017 est un échec. Elle a introduit un rapport de force économique au sein de l’entreprise, au détriment du rapport de force social. »
François Hommeril
Durée du travail et âge de la retraite

« Le Gouvernement est dans le déni, alors que les chiffres montrent que les salariés français à temps plein travaillent autant que les Britanniques et les Allemands. Le problème réside dans le chômage, les temps partiels et la précarité, particulièrement chez les seniors.
De nombreux salariés craignent d’être licenciés avant 64 ans et estiment ne pas pouvoir travailler jusqu’à cet âge en raison de la pénibilité de leur emploi ou de la perspective d’un licenciement. L’augmentation de l’âge de départ à la retraite augmente mécaniquement le taux d’emploi, mais aussi la précarité et le chômage. Actuellement, 50 % des personnes partent à la retraite sans être en emploi. Le patronat français semble vouloir des emplois aidés partout.
L’absence de mesures contraignantes pour l’égalité femmes-hommes et les seniors est problématique. Il est crucial d’adopter de telles mesures pour obtenir de réels progrès. La réforme de l’assurance chômage durcit les conditions d’indemnisation des seniors, alors que les licenciements augmentent. Les discriminations de genre dans le monde du travail sont également préoccupantes. »
Sophie Binet

« La politique économique actuelle, qui prône la flexibilisation du marché du travail et la précarisation des salariés, est une catastrophe. Les Français entrent plus tard sur le marché du travail à cause des réticences des entreprises à embaucher. Les parcours professionnels proposés ne sont pas motivants. Les entreprises se débarrassent des salariés âgés, qui se retrouvent souvent au chômage ou en incapacité avant de pouvoir prendre leur retraite.
Les personnes de plus de 55 ans qui se retrouvent au chômage sont totalement démonétisées sur le marché de l’emploi. Il est essentiel de respecter leurs désirs et envies au-delà d’un certain âge, tout en favorisant la transmission des compétences. Il est essentiel de respecter les désirs et envies des seniors au-delà d’un certain âge. Nous proposons une diminution du temps de travail accompagnée d’une diminution bonifiée de la rémunération. »
François Hommeril
« Le taux d’emploi des jeunes et des seniors en France est en dessous de la moyenne européenne. Le taux d’emploi des seniors augmente lorsque l’âge légal de départ à la retraite est repoussé, car cela incite les entreprises à investir davantage dans la formation de ces travailleurs. Le système de bonus-malus appliqué aux contrats courts est inefficace.
Nous proposons des allègements de charges pour les entreprises qui embauchent des seniors, afin de rééquilibrer le coût de ces travailleurs par rapport à des employés plus jeunes.
Comparer la France aux États-Unis est simpliste. Il est important de se concentrer sur les pays européens aux modèles sociaux similaires. Les écarts de salaire entre hommes et femmes sont dus à des différences de répartition dans les types de métiers. »
Amir Reza-Tofighi
« Contrairement aux pays scandinaves, la France se contente de repousser l’âge de la retraite sans améliorer les conditions de travail. Cela entraîne un taux d’emploi qui augmente plus lentement.
Les pays du Nord ont travaillé sur l’amélioration des conditions de travail des seniors, ce qui a permis d’augmenter le taux d’emploi de manière plus positive. La co-détermination dans les pays scandinaves permet de corriger les comportements des chefs d’entreprise, notamment en ce qui concerne l’emploi des seniors. »
Pierre Ferracci
« Il est crucial de changer la perception des seniors dans le monde du travail. Une étude montre que de nombreux salariés expérimentés souhaitent rester dans leur entreprise et transmettre leurs compétences. Les accords seniors récemment proposés pourraient permettre de mieux comprendre et traiter les problématiques liées à l’emploi des seniors. Les responsabilités des entreprises concernant le chômage et les préretraites sont souvent contournées. Il serait pertinent de mesurer l’empreinte économique des entreprises en matière sociale. »
Estelle Sauvat
Sur la capitalisation du système des retraites
« La capitalisation existe déjà sous certaines formes en France. Nous proposons de la généraliser pour tous, afin de ne pas la réserver uniquement à ceux qui ont les moyens de mettre de côté. Généraliser la capitalisation permettrait de ne pas la réserver uniquement à ceux qui ont les moyens de mettre de côté. »
Amir Reza-Tofighi
« Les partenaires sociaux devraient s’impliquer dans la gestion de la capitalisation pour mieux maîtriser les risques. Il est crucial de ne pas toucher au système de répartition, tout en réfléchissant à son amélioration. »
Pierre Ferracci
« La discussion sur la capitalisation est possible, à condition de ne pas remettre en cause la répartition. La sécurité et le rendement sont des aspects essentiels de ce débat. »
François Hommeril