Dialogue social

Aurélie Chasseboeuf (CFTC) : « Se battre pour une cause juste, un nouveau souffle au syndicalisme »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Négociatrice de branche et secrétaire de CSE central des magasins BUT, Aurélie Chasseboeuf aborde son parcours syndical à la CFTC qui a débuté en 2011. Elle livre ses réflexions sur le sens de l’engagement ainsi que sur l’importance de la négociation collective sur la QVCT dans ses revendications actuelles.

Aurélie Chasseboeuf, CFTC - © D.R.
Aurélie Chasseboeuf, CFTC - © D.R.

Quel est votre parcours ?

  • Je suis salariée chez BUT et j’ai adhéré à la CFTC en 2011 à l'âge de 26 ans.
  • Je suis devenue déléguée du personnel, secrétaire du CE de trois magasins en 2013.
  • Je suis toujours en 2023 secrétaire de CSE dans mon magasin. Aujourd’hui, nous avons un CSE par établissement.

Depuis 2019, je suis secrétaire de la CSSCT nationale et responsable de la CFTC Jeunes à la confédération.

Comment est née votre fibre syndicale ?

La crise sanitaire du Covid a remis en cause le rapport au travail.

En 2011, compte tenu des mauvaises relations avec le nouveau directeur de notre boutique franchisée, mes collègues m’ont demandé de me présenter aux élections du CE.

Nous ignorions tout au sujet des élections professionnelles mais mes collègues ont pensé à moi car je n’hésitais pas à m’exprimer et à affronter les points de vue.

Le moteur de mon engagement consiste à lutter contre les injustices de l’inégalité. En effet, le droit du travail n’est malheureusement pas toujours appliqué, et encore moins le droit local en Alsace, où je travaille.

Pour lutter contre les inégalités, il faut :

  • Que les salariés connaissent leurs droits. Les informations sont nombreuses sur Internet mais souvent contradictoires. Il est facile de s’y perdre ;
  • Travailler sur la QVCT au sein du CSE et accompagner mes collègues. Sachant que les vendeurs sont rémunérés à la commission, que leur salaire de base est de 335 euros et qu’il faut faire un chiffre d’affaires d’environ 80.000 euros pour atteindre le Smic, la pression est forte et les conditions de travail sont particulièrement rudes.
    • Le turnover a été très important ces deux dernières années, notamment en 2022, où nous avons dénombré 1.200 départs sur 6.700 salariés. Submergée par toutes ces démissions, la direction n’accorde désormais plus de ruptures conventionnelles.
    • La crise sanitaire du Covid a remis en cause le rapport au travail et peu de monde souhaite continuer à être traité de la sorte. 
  • Porter les revendications de mes collègues au sein de la négociation collective. Je suis également négociatrice de branche.

Pourquoi avez-vous choisi d’adhérer à la CFTC ?

A la CFTC, nous n’avons pas besoin d’attendre la validation de la confédération pour agir.

Mon père était militant à la CGT. C’est tout naturellement qu’au début de mon parcours, j’ai cherché à rejoindre cette organisation syndicale.

Cependant, je me suis rendu compte que la position de la CGT était aux antipodes de ma pensée. Par exemple, je ne me reconnaissais pas dans le discours anti-patrons. Un homme et une femme adhérents à la CFTC sont venus me convaincre de les rejoindre.

Les valeurs me correspondaient bien plus, à savoir :

  • Le principe de subsidiarité. Nous sommes libres dans nos sections, nous n’avons pas besoin d’attendre la validation de la confédération pour agir. Par exemple, nous ne sommes pas d’accord pour travailler le dimanche mais, dans certains magasins d’Ile-de-France, la CFTC y était favorable. Il me semble important de respecter les particularités locales et cette liberté d’agir.
  • Les valeurs familiales portées par la CFTC ;
  • Le dialogue social.

Quel est le moment marquant de votre parcours ?

Aujourd’hui, je suis reconnue dans ma branche, ce qui est à mes yeux une réussite. 

Etant une femme âgée de moins de 30 ans au début de mon parcours syndical, je n'étais pas considérée comme légitime. J’ai souvent entendu que, si j'étais devenue représentante du personnel, c'était juste pour remplir les conditions de la parité dans les instances.

Ne pas être prise au sérieux, souvent par des hommes d’un certain âge, m’a beaucoup blessé.

Heureusement, de nombreuses personnes ont cru en moi, m’ont épaulé et encouragé dans mon parcours. Elles ont compris mon envie et la motivation à m’investir. Aujourd’hui, je suis reconnue dans ma branche, ce qui est, à mes yeux, une réussite. 

Quels sont vos sujets actuels de revendication ?

  • La QVCT. Après plusieurs mois, malgré les tentatives de blocage de la direction, nous avons enfin réussi à mettre en place une expertise sur la QVCT en cours. Nous sommes pressés par les chiffres et le rendement, ce qui dégrade considérablement nos conditions de travail et incite les salariés à partir.
  • L’augmentation des salaires qui sont bas dans la branche du négoce d’ameublement, dont les 4 premiers niveaux en-dessous du Smic.
    • En tant que négociatrice de branche, je suis actuellement en pleine négociation sur cette question.
    • Tous les thèmes de négociation sont bloqués tant que les organisations patronales n’accepteront pas de de revaloriser les salaires.
    • Emmanuel Macron a « invité » les branches à renégocier les salaires mais cela prête à rire tant il est déconnecté de la réalité : ce sont les entreprises qui refusent de le faire. 

De quelle manière menez-vous des négociations ?

Je me tiens informée pour maîtriser un sujet. Je me renseigne souvent sur le contexte et les données officielles sur le sujet à négocier, comme par exemple les chiffres de l’Insee. 

Que diriez-vous à une personne souhaitant s’engager dans le syndicalisme ?

Au début, il faut savoir écouter et se former : c’est essentiel.

Par ailleurs, il faut prendre exemple sur des militants de longue date, car le tutorat dans le syndicalisme est très bénéfique. C’est ce qui m’a aidé lorsque j’ai commencé à m’engager et il est de ma responsabilité aujourd’hui de former d’autres collègues.

Comment percevez-vous l'évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?

Le syndicalisme doit s’adapter et se réformer pour attirer des nouveaux adhérents.

Le passage des CE aux CSE a été catastrophique, surtout en raison de la disparition des CHSCT. A la CSSCT, nous ne sommes que 7 membres pour la totalité des salariés de BUT. C’est très peu. Nous n’avons aucune autonomie, nous ne pouvons pas nous rendre sur les sites, nous ne disposons pas de moyens.

Pour un sujet aussi important que la santé et la sécurité au travail, cette CSSCT est une fumisterie.

Par ailleurs, si le nombre d’adhésion a augmenté avec la contestation de la réforme des retraites et que les gens croient davantage en nous, je pense que le syndicalisme doit s’adapter et se réformer pour attirer davantage de nouveaux adhérents. 

Se battre pour défendre une cause juste, telle que la contestation de la réforme des retraites, donne un nouveau souffle au syndicalisme.

Quelle est votre perception de l’avenir du syndicalisme dans le contexte de l'émergence de collectifs non-syndiqués ?

En parlant avec les membres de ces collectifs non syndiqués, j’ai réalisé que beaucoup d’entre eux sont en fait syndiqués à titre individuel. Autour de moi, ce sont des collectifs structurés, ce n’est pas comme les « gilets jaunes ». A mes yeux, une personne qui milite et qui s’engage est une chose positive, ces collectifs ne me font donc pas peur.

Concepts clés et définitions : #Syndicat, #QVCT (ex QVT) ou Qualité de Vie et des Conditions de Travail , #CSE ou Comité Social et Économique