Dialogue social

Christine Lê (CFE-CGC) : « Inciter et redynamiser l’adhésion est une de mes priorités »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Christine Lê, secrétaire nationale en charge du dialogue social et de la représentativité de la CFE-CGC du secteur public, aborde son parcours syndical et le moteur de son engagement.

Christine Lê, secrétaire nationale CFE-CGC  - © D.R.
Christine Lê, secrétaire nationale CFE-CGC - © D.R.

Quel est votre parcours ?

  • En 2015, je me suis spécialisée en emploi et en formation pour la commission du comité central d’entreprise chez EDF. Ce fut l’occasion de travailler notamment sur les bilans et les plans de formation. 
  • De 2016 à 2019, j’ai été élue suppléante au CE dans l’unité de l’ingénierie nucléaire. 

Durant la même période, j’ai participé à la 35e session de l’Institut National du Travail de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (INTEFP), dont l’objet de recherche était de mesurer les impacts sociaux et économiques suite à la digitalisation dans le monde.

En 2017, nous avons restitué nos travaux de recherche. Dans la foulée, je me suis inscrite en 2018 à Sciences Po Paris pour faire un executive Master « dialogue social et stratégie d’entreprise ». Mon mémoire a porté sur l’avenir du travail de son modèle social et la place du dialogue social et du paritarisme. 

La même année, j’ai été nommée secrétaire syndicale centrale (SSC) d’EDF, poste d’adjointe au délégué syndical central (DSC), ce qui m’a permis de mener de grandes négociations de branches et d’entreprise sur de nombreux sujets tels que les compétences et le handicap. Je siégeais également au comité central européen.

Je suis administratrice de l’Opco 2i et vice-présidente du conseil d’administration de l’opérateur de compétences de l’industrie.

  • entre 2019 et 2021, j’ai présidé l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) et je suis aujourd’hui vice-présidente du conseil d’administration.
  • Aux élections représentatives du personnel d’EDF de 2019, j’ai été élue titulaire au CSE de l’ingénierie nucléaire d’EDF.
  • Depuis le congrès de Tours de la CFE-CGC en 2023, je suis désormais secrétaire nationale en charge du dialogue social et du développement de la représentativité du secteur privé. 

Comment est née votre fibre syndicale ?

Dans ma profession, je suis reconnaissante de ce que le paritarisme a fait.

Les valeurs de solidarité m’ont toujours guidée. Transmettre des connaissances pour aider les personnes à agir d’elles-mêmes, c’est une des valeurs qui me porte depuis mon enfance, comme si c'était inné.

Par ailleurs, dans ma profession, je suis reconnaissante de ce que le paritarisme a fait, notamment sur la formation professionnelle, la mutuelle, la sécurité sociale, etc.

En 2014, j’occupais la fonction de responsable formation dans l’ingénierie nucléaire depuis plus de 2 ans. En envisageant mon poste d’après, j’ai souhaité que la prochaine mission de mon parcours s’inscrive sur l’autre rive, du côté des représentants des salariés et non de l’employeur. Ainsi, j’ai envoyé mon CV et lettre de motivation à la CFE-CGC.

Pourquoi avez-vous choisi d’adhérer à la CFE-CGC ?

A la CFE-CGC, j’ai trouvé des valeurs qui me correspondaient, parmi lesquelles :

  • Favoriser le pragmatisme ;
  • Questionner les sujets sans dogmatisme ;
  • Partir de la réalité du terrain et des échanges avec les salariés.

Cette simplicité de l’approche m’a plu, tout en restant dans l’innovation.

Quel est le moment marquant de votre parcours ?

Ce congrès m’a permis de développer ma vision du syndicalisme et du dialogue social. 

Mon premier moment marquant est le 38e Congrès de la CFE-CGC, où j’ai été élue secrétaire nationale à Tours le 23 mars 2023 devant 1.200 personnes. Ce congrès m’a permis de développer ma vision du syndicalisme et du dialogue social. 

Les 3 engagements de mon mandat sont les suivants :

  • Développer la représentativité de la CFE-CGC ;
  • Conforter ce qui marche avec les élus aux prud’hommes et le modèle du paritarisme dans les conseils d’administration et ainsi défendre la répartition des responsabilités ;
  • Inciter et redynamiser l’adhésion en dotant les militants qui sont sur le terrain en entreprises de tous les outils, les idées et les partages nécessaires pour mener à bien les élections, les négociations, les rencontres avec les salariés. Il faut leur proposer des formations sur l’ensemble des champs d’activités syndicales via notre centre de formation syndicale CFE-CGC.

Quels sont vos sujets actuels de revendication ?

  • L’implantation syndicale dans les entreprises est un sujet important.

    Mon sujet prioritaire porte sur la représentation de la CFE-CGC pour les élections professionnelles de 2024.

    • Mon objectif est d’avoir une audience interprofessionnelle au niveau national plus forte et de la consolider, notamment sur les branches de la construction, du service, du commerce et de l’industrie.
    • D’autre part, les élections professionnelles des TPE se dérouleront fin 2024. L’implantation dans les entreprises est un sujet important pour la mise en place de responsables syndicaux.
  • L’autre sujet qui me tient à cœur est celui de la valorisation de l’expérience des militants et la réintégration en entreprise après un détachement. Il est important de créer plus de fluidité pour devenir représentant des salariés. Cet engagement n’est pas toujours bien perçu, compris et valorisé par les employeurs. Pour ce faire, il s’agit :
    • d’inscrire ce point dans les accords GEPPC (gestion emploi parcours professionnel compétences) de branches et d’entreprises,
    • d’acter la valorisation des compétences acquises lors d’une expérience syndicale,
    • la faire reconnaître par les employeurs. Ainsi, le représentant salarié peut retrouver ou avoir un poste avec le niveau présent de compétences forcément plus enrichi qu’avant son expérience syndicale.
  • Enfin, le sujet concernant les conseillers aux prud’hommes, les conseillers aux salariés et les assesseurs aux pôles sociaux me semble être un véritable enjeu. Cela passe par une défense CFE-CGC de qualité.
    • La réunion au sein du secteur des 3 mandats (prud’homme, conseiller du salarié, assesseur au pôle social) apporte plus de compétences en matière d’information, d’assistance et de préparation de leur défense aux salariés en demande.
    • A la CFE-CGC, nous publions un guide prud’hommes et un guide du conseiller du salarié qui sera mis à disposition à la rentrée 2023.
    • Des informations juridiques seront également régulièrement publiées sur l’intranet confédéral afin que les mandatés soient toujours informés.

De quelle manière menez-vous des négociations ?

Il faut toujours partir des textes et des expériences passées.

Nos manières de négocier dépendent directement de nos mandats. Les négociations diffèrent également des entreprises ou des branches dans lesquelles nous sommes. 

Pour négocier, il faut toujours partir des textes et des expériences passées. C’est ce que nous faisons pour former les négociateurs de branche, notamment.

Par ailleurs, il faut une grande capacité d'écoute et bien comprendre ce que les autres parties prenantes souhaitent.

Que diriez-vous à une personne souhaitant s’engager dans le syndicalisme ?

Osez, et rejoignez-nous ! Il me semble important de prendre le temps d’observer et d'écouter afin de trouver la solution adéquate à l’individu et au collectif.

Dans notre centre de formation syndicale qui s’adresse notamment aux militants débutants, nous avons d’ailleurs mis en place un certain nombre de guides pour les accompagner. 

Comment percevez-vous l'évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?

Jamais rien n’est acquis, comme le droit des femmes.

Avec la mobilisation contre la réforme des retraites injuste et violente, on constate un regain d’intérêt vis-à-vis du syndicalisme, ce qui fait plaisir.

Pour les militants, cela nécessite de mon point de vue un gros travail de pédagogie. Il faut savoir expliquer que, si les salariés ont des droits, c’est grâce à la négociation au niveau des branches. Aujourd’hui, tout le monde bénéficie des fruits de la négociation. 

Les accords collectifs doivent couvrir tous les salariés, qu’ils soient syndiqués ou non. Il n’y a donc pas d’incitation économique pour les salariés à se syndiquer. Alors que, dans les pays scandinaves ou en Belgique, une partie des fruits de la négociation ne bénéficie qu’aux salariés syndiqués. Il faut bien expliquer car jamais rien n’est acquis, comme le droit des femmes.

Quelle est votre perception de l’avenir du syndicalisme dans le contexte de l'émergence de collectifs non syndiqués ?

J’ai confiance en l’avenir du syndicalisme. 

Concernant l'émergence de collectifs non syndiqués, ils ont toujours existé et en ce sens, il est possible de trouver sa place.

Je suis favorable à la pluralité des expressions : il ne faut pas avoir peur du débat et des conflits. Ils existent aussi bien dans le monde du travail que dans la société en général.