Droits des salariés

Télétravail : les 10 enseignements de l’enquête Ugict-CGT

Par Agnès Redon | Le | Qvct et santé

Le télétravail a pour conséquence une augmentation du temps de travail. C’est notamment l’un des enseignements de l’enquête réalisée par l’Observatoire du Télétravail, sous l’impulsion de l’Ugict-CGT, « Télétravail, travail hybride : Quelles conséquences ? », dont les résultats ont été présentés lors d’une conférence de presse le 6 décembre 2023 à la CGT.

Droit des salariés et QVTC (ex QVT) en télétravail : enquête l’Observatoire du Télétravail/Ugict-CGT - © D.R.
Droit des salariés et QVTC (ex QVT) en télétravail : enquête l’Observatoire du Télétravail/Ugict-CGT - © D.R.

1/ Le profil-type des télétravailleurs : une femme de 30 à 39 ans

L’enquête révèle que le profil-type des salariés concernés par ce mode de travail est une femme âgée de 30 à 39 ans :

  • qui travaille dans le secteur privé, comme cadre ou comme ingénieure dans le secteur de l’informatique et des télécommunications ou de l’industrie,
  • qui travaille en présentiel en moyenne 2 jours par semaine.

Parmi les répondants :

  • 77 % sont des cadres ou ingénieurs ;
  • 15 % des professions intermédiaires ;
  • 27 % sont issus du secteur de l’informatique et des télécommunications ;
  • 17 % de l’industrie ;
  • 17 % de l’administration publique, des professions juridiques, de l’armée ou de la police ;
  • 11 % du secteur de la gestion/administration des entreprises ;
  • 19 % sont issus du secteur public, dont une majorité vient de la fonction publique d’État. Ils et elles sont majoritairement des agents de catégorie A (54 %) et B (33 %).

2/ Le télétravail hybride est plébiscité pour équilibrer temps de vie professionnelle et vie personnelle

Aujourd’hui le télétravail est hybride, partagé entre présence dans les locaux de l’entreprise et domicile : en moyenne 2 jours par semaine sont travaillés en dehors des locaux.

Les répondants vivent « plutôt bien » ou « très bien » leur situation en télétravail à 92 %.

« Ce plébiscite trouve sa source dans la recherche d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée », indique Emmanuelle Lavignac, Secrétaire nationale Ugict-CGT et membre du collectif ‘Télétravail’.

3/ Le télétravail permet de gagner du temps

En termes de QVCT, la maîtrise du temps de trajet est la motivation principale à la demande de télétravail (91 % des personnes interrogées). 

Pour 51 % d’entre elles, le télétravail permet de gagner entre 1h à plus d’1h30 de temps de trajet.

Certaines réponses font état de 2h30 de trajets par jour, ce qui représente sur une semaine de 5 jours une économie de 7 heures de temps de trajet. 

« La recherche d’un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle est au cœur du vécu en télétravail des salariés », indique Emmanuelle Lavignac.

Le temps gagné par le télétravail est ainsi majoritairement employé pour :

  • La vie de famille ;
  • Le repos. 

4/ Un gain de productivité sans droit effectif à la déconnexion

Alors que les employeurs sont normalement tenus d’évaluer le temps que les salariés passent à travailler, plus de la moitié des répondants (55 %) disent qu’il n’y a pas de dispositif d’évaluation du temps de travail.

  • 58 % déclarent qu’il n’y a pas d’évaluation de leur charge de travail.
  • 36 % des répondants bénéficient d’un dispositif de droit à la déconnexion ;
  • 35 % considèrent que le temps de travail est plus élevé qu’en présentiel par rapport à une charge de travail qu’ils considèrent à 80 % équivalente.

5/ le télétravail a pour conséquence une augmentation du temps de travail 

« L'étude révèle que 48 % des répondants sont au forfait-jour. À la question : « Comment vivez-vous votre situation en télétravail ? », 26 % répondent « très bien » soit 4 points de moins que chez les salariés au régime horaire« , détaille Caroline Blanchot, secrétaire nationale de l’Ugict CGT.  »Pour eux, le télétravail a pour conséquence une augmentation du temps de travail au détriment de leur temps de repos«  :

  • 19 % utilisent le temps gagné sur le temps de trajet pour le travail (+ 5 points par rapport aux salariés au régime horaire) ;
  • 20 % utilisent le temps gagné sur le temps de trajet pour le repos (-6 points par rapport aux salariés au régime horaire).

 »Il faut un encadrement du temps passé en télétravail, avec l’application des durées maximales de travail y compris au forfait-jour, et une définition claire des plages horaires sur lesquelles les salariés doivent être joignables« , estime-t-elle.

6/ Le télétravail coûte cher aux salariés

D’après l'étude, le télétravail coûte cher aux salariés, ou plus précisément, il permet aux employeurs d’effectuer des économies.

  • 45 % disposent d’un siège ergonomique sans financement de la part de l’employeur ;
  • 31 % disposent d’un écran sans financement de la part de l’employeur ;
  • 42 % des télétravailleurs indiquent que leur employeurs ne participent pas financièrement aux frais induits par le télétravail (hors frais de restauration).
  •  »Les employeurs bénéficient d’exonérations de cotisations et contributions sociales pour la prise en charge des frais induits par le télétravail.
  • Il est nécessaire que les directions prennent en charge l’intégralité des dépenses afférentes au télétravail des équipements informatiques, aux abonnements d’accès Internet en passant par une participation aux frais de loyer et de chauffage« , souligne Caroline Blanchot.

7/ Les salariés ont recours au télétravail quand ils sont malades

L'étude révèle qu'à la question : « Vous arrive-t-il de télétravailler tout en étant malade plutôt qu’être en arrêt maladie ? », les répondants sont 31 % à déclarer le faire pour éviter une perte de salaire ou parce que leur charge de travail est trop importante.

  • « Les employeurs doivent organiser le travail pour permettre aux salariés d’en être libérés afin de pouvoir se soigner.
  • S’ils ne le font pas, ils engagent leur responsabilité pour manquement à leur obligation de sécurité », indique Emmanuelle Lavignac

8/ La mise en place du télétravail s’accompagne d’une réorganisation de l’espace de travail

  • « De nombreux accords télétravail font actuellement l’objet de renégociations dans les entreprises et certains employeurs déclarent souhaiter un retour des salariés au bureau, notamment en limitant le nombre de jours de télétravail par semaine. Cependant, la réduction des capacités d’accueil sur site rend cette perspective impossible dans beaucoup d’entreprises et d’administrations.
  • L’accélération des réorganisations des espaces que les employeurs ont engagée depuis 2020, entre en totale contradiction avec la volonté de revoir les sites de travail remplis à 100 % de l’effectif », explique Caroline Diard, chercheuse, professeure associée au département Droit des affaires et RH de TBS Business School.

« Les réorganisations d’espace de travail se sont faites au pas de course et sans consulter les salariés ou leur représentants », estime-t-elle :

  • 26 % d’entre eux déclarent que la mise en place du télétravail s’est accompagnée d’une réorganisation de leur espace de travail en « open space » ;
  • 32 % d’entre eux déclarent que la mise en place du télétravail s’est accompagnée d’une réorganisation de leur espace de travail en « flex office » ;
  • Or plus de la moitié des répondants (56 %) indiquent ne pas avoir été informés par leur direction de la réorganisation de leurs espaces de travail ;
  • 79 % indiquent ne pas avoir été consultés du tout sur cette réorganisation.

9/ Des managers sont démunis 

« Les manageurs retrouvent bien souvent démunis pour faire leur travail. Par ailleurs, ils sont confrontés aux détresses (isolement, burn-out…) que peuvent ressentir les salariés de leur équipe. Le travail à distance rend compliqué, voire impossible d’exercer correctement leurs responsabilités et de repérer les premiers signaux d’alarme de mal-être au travail », indique Caroline Blanchot.

  • Plus de la moitié (57 %) des manageurs estiment que le télétravail rend leur mission de management plus complexe ;
  • 47 % soulignent la difficulté à garder une cohérence de groupe entre les salariés en télétravail et sur site.

10/ Le syndicalisme à distance est complexe

  • « Dans la majeure partie des entreprises et des services publics, les directions ont refusé d’ouvrir en grand les accès numériques aux organisations syndicales et élus des salariés. Or les employeurs doivent permettre aux salariés d’être correctement représentés.
  • De nouveaux droits obligatoires pour les représentants des salariés, doivent être octroyés par les employeurs. La loi “El Khomri” de 2016 a ouvert des pistes mais n’oblige pas les employeurs.
  • Or, la crise sanitaire avec l’épidémie Covid-19 et la dispersion forcée des salariés ont fait apparaître le besoin de maintenir le lien entre les membres de la communauté de travail et leurs représentants.
  • Ce besoin a vocation à devenir durable à l’heure où le travail à distance entre dans les mœurs et où les entreprises sont plus généralement engagées dans des processus de dématérialisation », souligne Emmanuelle Lavignac.

L'étude révèle ainsi que :

  • 65 % des syndiqués déclarent ne pas parvenir à garder un lien avec les salariés en situation de télétravail ;
  • 49 % n’ont pas l’autorisation d’utiliser les outils de communication de l’entreprise pour garder le contact avec les salariés ;
  • 58 % estiment que leur avis n’a pas été pris en compte au cours de la négociation de leur accord télétravail.

Méthode

Un questionnaire de 117 questions a été diffusé du 26 juin 2023 au 22 octobre 2023 sur les réseaux sociaux.

• Près de 7800 réponses ont été recueillies.

• Parmi elles, 5400 ont été exploitables.

Concepts clés et définitions : #QVCT (ex QVT) ou Qualité de Vie et des Conditions de Travail