Sophie Binet (CGT) : « Gouvernement et patronat mènent une véritable guerre aux seniors »
Par Agnès Redon | Le | Syndicats
Lors d’une conférence de presse le 6 février 2024 au siège de la CGT, la secrétaire générale Sophie Binet a analysé l’actualité sociale et a présenté les propositions de l’organisation syndicale relatives à la négociation interprofessionnelle sur l’emploi des seniors.
1/ Sur la suppression de l’allocation spécifique de solidarité (ASS)
Pour Sophie Binet, la suppression de l’ASS, telle qu’annoncée par le Premier ministre Gabriel Attal lors de la déclaration de politique générale adressée aux députés le 30 janvier 2024, constitue « une triple peine » pour les seniors.
« Après l’allongement de l’âge de départ à la retraite puis le raccourcissement de la durée d’indemnisation du chômage. Gouvernement et patronat mènent une véritable guerre aux seniors », évoque Sophie Binet.
- « En annonçant la suppression de l’ASS, Gabriel Attal a confirmé la stigmatisation des plus précaires. Ce ne sont pas moins de 250 000 personnes et leurs familles qui seront encore plus poussées vers la pauvreté.
- Il s’attaque à la possibilité de valider leurs trimestres et va pousser nos aînés vers une extrême précarité. 50 % des bénéficiaires de l’ASS sont des seniors, car ce sont eux qui éprouvent le plus de difficultés à retrouver un emploi », indique-t-elle.
2/ Sur le système d’indexation du Smic
« Lorsqu’il prétend vouloir “désmicardiser la France”, le Premier ministre a surtout en tête de mettre à bas le système d’indexation du Smic. Or c’est le seul niveau de salaire protégé par la loi qui prévoit son augmentation automatique avec l’inflation. »
Pour la CGT, il faut au contraire maintenir ce mécanisme d’indexation automatique et même l’étendre à tous les salaires.
« C’est également une nouvelle attaque contre le Code du travail et la négociation des branches pour favoriser plus encore le dumping social et la disparition des garanties collectives. »
Selon Sophie Binet, « Gabriel Attal répond parfaitement aux exigences du patronat qui veut avoir les mains libres dans les entreprises sur tous les sujets ».
« Il faut arrêter les doubles discours : ce n’est pas possible de prétendre désmicardiser la France, tout en préparant des réformes qui vont massivement baisser les salaires. »
3/ Sur l’embauche et les enjeux spécifiques aux seniors
Concernant l’embauche des seniors, la CGT formule notamment les propositions suivantes :
- Les entreprises de plus de 50 salariés et les entreprises de recrutement reçoivent une formation à la non-discrimination à l’embauche au moins une fois tous les cinq ans. Le contenu de la formation prend en compte les enjeux spécifiques aux seniors ;
- L’intégration des indicateurs sur l’évolution des carrières et des rémunérations dans le bilan social ;
- La mise en place dans chaque branche d’un bilan social intégrant l’enjeu de l’emploi des seniors. Les OPMQ (Observatoires prospectifs des métiers et des qualifications) devraient ainsi publier :
- La pyramide des âges des salariés de la branche ;
- Les prévisions de départs à la retraite ;
- Les perspectives de recrutement de salariés seniors ;
- La liste des entreprises ayant une sous-représentation des salariés de plus de 50 ans.
- L’obligation pour chaque branche de respecter chaque année un objectif chiffré de taux d’emploi des seniors, pour atteindre le taux de 65 % à l’horizon 2030 fixé par le Gouvernement.
4/ Sur la rupture du contrat de travail d’un salarié senior
Sur la rupture de contrat de travail d’un salarié senior, la CGT propose notamment :
- L’examen de l’inspection du travail pour toute rupture de contrat de travail d’un salarié senior ;
- L’interdiction du recours aux ruptures conventionnelles collectives pour les salariés de plus de 50 ans ;
- L’obligation pour les entreprises de négocier des accords collectifs relatifs à l’emploi des seniors et intégration dans les NAO d’un thème de négociation sur l’emploi des seniors ;
- L’élargissement des accords de GPEC à la lutte contre la discrimination à l’embauche des salariés seniors et à l’évolution des fins de carrière ;
- L’obligation pour les entreprises qui licencient un salarié de plus de 50 ans de verser les cotisations sociales qui auraient été normalement dues en cas de maintien en emploi du salarié jusqu’à l’âge légal de sa retraite ;
- Le passage du forfait social de 30 % à 40 % en cas de rupture conventionnelle d’un salarié de plus de 50 ans et conditionnement de l’utilisation de la rupture conventionnelle à l’existence d’un accord relatif à l’emploi des seniors.
« Traiter du sujet de l’emploi des seniors, c’est d’abord partir de la réalité et examiner tous les dispositifs qui permettent aux employeurs de se séparer à bon compte des salariés de plus de 50 ans, notamment les ruptures conventionnelles », évoque Sophie Binet.
« C’est aussi :
- s’attaquer aux causes de la pénibilité des métiers bien avant 45 ans ;
- permettre aux salariés exposés de partir plus tôt en retraite, et en bonne santé ;
- prendre en compte leur expérience et leurs compétences en les intégrant dans la rémunération », poursuit Sophie Binet.
5/ Sur l’accès à la formation professionnelle
Concernant l’accès à la formation professionnelle, la CGT émet notamment les propositions suivantes :
- La mise en place d’une instance paritaire chargée du contrôle de la mise en œuvre des objectifs de politique publique, avec un mandat spécifique sur les seniors ;
- La garantie de 10 % du temps de travail annuel consacré à la formation et au contrôle du CSE dans le cadre de l’information-consultation ;
- La hausse du financement de la formation avec retour aux 2 % de la masse salariale consacrés à la formation professionnelle (distincts de l’apprentissage) ;
- Le déplafonnement du montant du CPF (5000 euros) pour les salariés de plus de 45 ans ;
- La réalisation dans les entreprises d’entretiens de carrière à 45 ans pour envisager l’évolution professionnelle, les aménagements de temps et les conditions de travail des salariés seniors.
6/ Sur la prise en compte de l’usure professionnelle et l’aménagement des fins de carrière
La CGT propose notamment :
- La création d’une pré-retraite progressive avec ouverture des droits quatre ans avant l’âge légal et congés payés supplémentaires pour les seniors exposés à au moins un critère de pénibilité (durée du congé : 10 jours à partir de 50 ans, 15 jours à partir de 55 ans, 20 jours à partir de 60 ans) ;
- La possibilité pour les salariés seniors de consacrer a minima 20 % de leur quantité de travail à la formation de leurs collègues ;
- L’obligation pour chaque branche de mettre en place une négociation pour définir les métiers pénible, en prenant en compte les critères de pénibilité établis par l’Anact ;
- La révision du C2P avec retour des critères du C3P (manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques, exposition à des agents chimiques dangereux) et introduction de nouveaux critères, dont les expositions aux horaires longs (supérieurs à 40h) et aux RPS ;
- L’obligation d’abondement du Fipu à hauteur de 0,2 % de la masse salariale pour toutes les entreprises de plus de 250 salariés ;
- Le droit pour les CSE de mener une enquête sur la pénibilité dans l’entreprise avec des heures de délégation spécifiques et un accès complet aux documents ;
- L’obligation de reclassement des salariés de plus de 50 ans occupant des postes pénibles ;
- Le droit opposable à passer en travail de jour après 10 ans d’exposition aux horaires de nuit ;
- Le droit opposable à passer en travail de jour après 15 années de travail posté (type organisation en 3x8) ;
- Le droit opposable à un jour de télétravail pour tous les salariés à partir de 50 ans, dès lors que leur activité permet le travail à distance.