Dialogue social

NAO, inflation, travail senior : le débat Sophie Binet (CGT) - François Hommeril (CFE-CGC) par Secafi

Par Agnès Redon | Le | Accords d’entreprise

Dans un contexte de pouvoir d’achat en berne, Secafi a mis en débat cette actualité le 26 mars 2024 aux côtés de Pierre Ferracci, Président du Groupe Alpha, Sophie Binet, Secrétaire générale de la CGT, et François Hommeril, Président de la CFE-CGC.

NAO, inflation, travail des seniors : les thèmes du débat Secafi du 26 mars avec la CGT et la CFE-CGC - © D.R.
NAO, inflation, travail des seniors : les thèmes du débat Secafi du 26 mars avec la CGT et la CFE-CGC - © D.R.

Sur les évolutions du pouvoir d’achat (NAO)

D’après un benchmark de 420 accords NAO 2024, les augmentations totales (générales et individuelles) négociées dans les entreprises se situent en moyenne à 3,5 % en 2024, contre 4,6 % en 2023.

« Le contexte économique explique ce ralentissement », indique Antoine Rémond, Responsable du Pôle Etudes & Prospective du Centre Etudes & Data du Groupe Alpha. Les facteurs de ce ralentissement sont les suivants :

  • Reflux de l’inflation ;
  • Dégradation des perspectives d’emploi ;
  • Perspectives moroses de croissance.

2024 marque la diminution du recours aux augmentations générales :

  • 80,1 % des entreprises accordent des augmentations générales pour les ouvriers/employés et 78 % pour les TAM (techniciens, agents de maîtrise). 
    • Dans près de 8 cas sur 10, les non cadres perçoivent au moins une augmentation générale. 
    • Les cadres perçoivent au moins une augmentation générale dans 64 % des cas, soit moins souvent que les non cadres.

Pour Sophie Binet, il y a 4 grands points d’alerte à la négociation :

  • « Les salaires en euros constants sont en baisse ;
  • Il y a de plus en plus d’augmentations individuelles par rapport aux augmentations collectives ; L’individualisation de la rémunération est nuisible pour l'égalité entre les femmes et les hommes car elle augmente la dispersion des salaires.
  • Cette baisse des salaires accentue le tassement des rémunérations et des qualifications  ;
  • La désocialisation de la rémunération à travers des dispositifs du Gouvernement, comme la prime de partage de la valeur. »

François Hommeril indique que l’augmentation qui maintient le pouvoir d’achat est l’augmentation générale.

  • « L’augmentation individuelle constitue la promotion dans la carrière.
  • La perte de pouvoir d’achat a été révélée par une forte inflation mais c’est un phénomène continu à l'œuvre depuis 30 ans.
  • Il est facile d’objectiver ce phénomène dans la fonction publique, où le point d’indice aurait dû suivre l’inflation. Or il a perdu entre 30 % et 40 % de pouvoir d’achat.
  • Enfin, il convient de souligner que la problématique du pouvoir d’achat est à mettre en regard avec la charge du logement qui a pratiquement doublé en une vingtaine d’années. »

Sur l’enjeu de la productivité dans les entreprises

  • « Le problème de la baisse de la productivité, c’est le Gouvernement qui la finance ;
  • Par le financement des emplois peu qualifiés, le Gouvernement en a créé tellement qu’il ne parvient plus à les pourvoir.
  • Dans le même temps, les emplois qualifiés diminuent, ce qui est un point très sensible avec l’expatriation. Or la question de la productivité est tirée par le haut par les emplois très qualifiés », évoque François Hommeril.

« Il faudrait un vrai débat économique sur la productivité », selon Sophie Binet.

  • «  Un tiers de cette baisse de la productivité s’expliquerait par l’apprentissage qui a considérablement augmenté.
    • la productivité peut conduire à une dégradation des conditions de travail;
    • De plus en plus avec le lean management, on tue les temps morts. Comment évalue-t-on la productivité ?
    • Dans les métiers du soin par exemple, l’objectif d’avoir un travail toujours plus productif pour les actionnaires doit être interrogé, alors qu'être productif pour la société se fait par les qualifications », poursuit-elle.

  • « Des réformes de la formation professionnelle ont fait plonger l’investissement dans ce domaine. Auparavant, cela représentait 1,6 % de la masse salariale contre 1 % aujourd’hui. C’est une aberration dans un contexte de rupture majeure à appréhender avec :
    • L’intelligence artificielle ;
    • La transition de la transformation environnementale de notre tissu productif pour lequel il faut être formé », indique Sophie Binet. 

Sur la démarche syndicale pour le pouvoir d’achat

  • « L’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise (que la CGT n’a pas signé) se concentre sur les primes et l’intéressement sans aborder la question des salaires.
  • L’intéressement la participation et ces dispositifs qui globalement sont désocialisés ne permettent pas d’acquérir des droits sociaux alors que le sujet c’est la question des salaires. Cet accord est un hors sujet pour la CGT », indique Sophie Binet.

« La CFE-CGC a signé cet accord qui a donné quelques avancées comme la généralisation de l’intéressement », souligne François Hommeril.

  • « Cependant, je suis d’accord sur le fait que la prime de partage de la valeur vient finalement bloquer le système.
    • Une prime par définition crée un effet report négatif. Elle est totalement désocialisée, ce qui n’est pas bon. » 

Sur l’orientation politique du Gouvernement 

Les charges contre le gouvernement sont lourdes dans les 2 camps.

« Il y a qu’une seule phrase pour qualifier l’orientation politique du Gouvernement, c’est appauvrir les Français », estime François Hommeril.

  • « On appauvrit bien les chômeurs, on fait la dégressivité des indemnités de ces chômeurs qui se retrouvent privés d’emploi à 55 ans.
  • On supprime tout pour les forcer à reprendre un emploi moins valorisant que leurs qualifications acquises tout au long de leur carrière », poursuit-il.

« La politique du Gouvernement, c’est Robin des Bois à l’envers : on prend aux pauvres pour donner au riches », considère Sophie Binet.

  • « Pour se faire, on baisse les services publics, la protection sociale et globalement les droits sociaux.
  • Dans le même temps les aides publiques aux entreprises explosent puisque on atteint un tiers du budget de l'État. Cela représente quand même 200 milliards d’euros par an, ce qui est énorme. »

Sur le travail des seniors

Pour François Hommeril, des dispositions doivent être adaptées pour 2 publics :

  • « Ceux qui doivent arrêter parce qu’ils ne peuvent plus supporter leur travail physiquement : il faut les faire partir dans de bonnes conditions ;
  • Ceux qui souhaitent continuer à travailler : il faut leur faire des conditions suffisamment incitatives pour que leur travail soit pris en compte, valorisé, qu’ils aient du plaisir de l’intérêt et que l’entreprise tire profit de leur présence. »

Pour Sophie Binet, le Gouvernement mène une guerre aux seniors :

  • « D’un côté, les seniors sont forcés à travailler deux ans de plus ;
  • De l’autre, le Gouvernement ne fait rien contre les entreprise qui licencient des seniors ;
  • Enfin, il y a une remise en cause des allocations chômage des seniors. »

« Ces 3 ingrédients ne vont pas augmenter l’emploi des seniors. C’est une attaque généralisée contre notre modèle social, notre modèle de protection sociale hérité du Conseil National de la Résistance », évoque-t-elle.

Sur les moyens des instances représentatives du personnel

  • « Sur les 80 propositions  pour mettre fin à la complexité administrative » publiées par la CPME le 15 janvier 2024, il y a certes une problématique particulière pour les petites entreprises pour affronter les tâches administratives. Le Gouvernement pourrait aider les chefs d’entreprise en ce sens.
  • Comme on l’a vu pendant la crise Covid-19, l'économie s'était un peu remise à fonctionner grâce à la responsabilité assumée et commune des chefs d’entreprise et des représentants du personnel.
  • En ressuscitant le CHSCT, ils ont déployé leur expertise pour mettre en confiance les salariés. Pourtant, le Gouvernement met en place des politiques qui visent à affaiblir encore plus les syndicats dans l’entreprise. Cela n’a aucun sens« , analyse François Hommeril.

 »Toutes les organisations syndicales pensent qu’il faut revenir sur les ordonnances Macron pour redonner plus de pouvoirs aux représentants du personnel", indique Sophie Binet.

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Concepts clés et définitions : #NAO ou négociation annuelle obligatoire